BenoitXVI

La Révélation divine Est-ce parce que la première rencontre avec Dieu du jeune Joseph Ratzinger est vécue dans la liturgie que toute sa théologie semble d’abord découler d’une contemplation de Dieu ? On sait qu’il reçut tout petit un missel, et que celui-ci fit ses délices, l ’emportant dans un monde dont il pressentait la beauté et le mystère. Et il suffit de se plonger dans ses œuvres pour observer ce qu’on pourrait appeler le « primat de Dieu » de sa théologie : tout commence parce que Dieu parle. La Révélation trouve sa source en Dieu qui choisit gratuitement de s’adresser aux hommes qu’il crée et qu’il sauve par son Verbe incarné, crucifié et ressuscité. « La nouveauté de la Révélation biblique vient du fait que Dieu se fait connaître dans le dialogue qu’il désire instaurer avec nous78. » La thèse du futur Benoît XVI sur Bonaventure portait précisément sur le concept de Révélation. Elle allait certainement permettre au jeune théologien d’apporter une contribution originale et décisive au texte préparatoire sur la Révélation divine pour la constitution dogmatique de Vatican II. À l ’été 1962, le cardinal Frings demande à Ratzinger d’étudier le premier schéma79 sur les sources de la Révélation, appelé De Fontibus, et d’en faire un rapport. Ratzinger se montre très critique. L’enjeu théologique est le suivant : quand la Révélation survient-elle ? Derrière une tel le question se trouve la problémat ique luthér ienne du Sola scriptura (« par l ’Écriture seule »). La Révélation divine s’ identifie-t-elle strictement à l’Écriture ? Dans ce cas, on ne peut rien enseigner qui ne se trouve strictement dans l ’Écriture. Pourrait-on dire au contraire que la Révélation englobe la Tradition? Ou bien serait-elle contenue en partie dans l’Écriture et en partie dans la Tradition ? Ratzinger avait dégagé chez Bonaventure l ’idée que la Révélation ne désignait jamais de manière stricte l’Écriture, mais qu’elle était plutôt comprise au pluriel, comme les actes de révélations par lesquels Dieu se dévoile dans l ’histoire à qui la reçoit : « La Révélation précède l’Écriture et se dépose en elle sans s’identifier à elle tout à fait. La Révélation dépasse toujours ce qui est purement écrit80. » Elle est « Dieu qui vient à la rencontre de l’homme ». Et ceci « dépasse toujours ce que peuvent dire les mots humains, dépasse aussi les Paroles de l ’Écriture. […] L’Écriture est le témoignage essentiel de la Révélation, mais la Révélation est quelque chose de Vivant, de plus grand, et plus encore, elle est interpellation et écoute. […] La Révélation a des outils, mais elle n’est pas séparable du Dieu vivant et elle exige toujours des hommes vivants chez qui elle est reçue. Son but est toujours de rassembler les hommes, de les réunir, c’est pourquoi l’Église lui appartient81. » PRIMAT DE DIEU: AU COMMENCEMENT, DIEU PARLE LA RÉVÉLATION DIVINE À VATICAN II, LES RAPPORTS ENTRE ÉCRITURE ET TRADITION 78 BENOÎT XVI, Exhortation apostolique Verbum Domini sur la Parole de Dieu n°6, Collège des Bernardins, Lethielleux/Parole et Silence, Paris, p. 49. 79 C’est-à-dire le travail préparatoire fourni aux évêques pour servir de base à leur réflexion et à leurs échanges. 80 J. RATZINGER, Ma vie : souvenirs, 1927-1977, op. cit., p. 88. 81 Ibid., p. 109. 1 68 • BENOÎT XVI P E N S E R avec Benoî t XVI

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