Contempler-lHistoire-sainte

12 13 Louange à Dieu ! Louange à Dieu dans sa création, et dans les artistes qui la prolongent et la magnifient ! Dieu est représenté ici comme Celui qui dit, et dont la « Parole qui sépare » (Paul Beauchamp) est créatrice, mais aussi comme Celui qui fait, en une référence, consciente ou non, de l’artiste à sa propre pratique. La lune et le soleil paraissent presque insignifiants, dans leur simplicité circulaire. Le peintre semble rejoindre la discrétion des auteurs de la Genèse, qui ont pris soin de ne pas les nommer, pour éviter toute tentation d’idolâtrie envers ces créatures considérées bien souvent comme des dieux dans les religions païennes : alors que le jour, la nuit, le ciel, la terre et les mers se voient nommés après avoir été créés, les deux luminaires gardent leur anonymat de serviteurs de Dieu et des hommes, avec les étoiles figurées ici, discrètement, en haut de la page, pâles sur le bleu nuit. Il était bien juste d’orner un psautier, par lequel à toute heure du jour et de la nuit on peut louer le Seigneur, d’une scène de création des luminaires faits pour rythmer les louanges des hommes. La généreuse bordure de cette miniature située vers la fin du psautier est aux armes (en bas) et à l’effigie (en haut) de Paul III. Sa somptuosité est presque inversement proportionnelle à la sobriété de la scène biblique : les médaillons et les cartouches ouvragés, les putti savamment disposés, les guirlandes de fleurs ou de légumes, les pierres précieuses, les atlantes et les cariatides, saturent l’espace et les yeux, par les contrastes ou au contraire les dégradés colorés. L’encadrement met en valeur cette illustration en pleine page (37 x 25 cm) d’un ouvrage magnifique, qui s’agrémentait d’une reliure d’étoffe brodée. Qui avait en main ce livre, recevait de quoi se tourner avec ferveur vers Dieu pour le chanter en ses œuvres, en 1542 comme aujourd’hui. « Bénissez, mon âme, le Seigneur ! – Seigneur mon Seigneur, Dieu mon Dieu. Votre magnificence, comme vous l’avez déployée ! De toutes parts autour de Vous la confession et la beauté ! » (Paul Claudel) ◆ Le miniaturiste du Pape N’est pas qui veut miniaturiste du pape, et d’un pape tel que Paul III – mécène de Michel-Ange et initiateur du concile de Trente – mais Vincent Raymond, le Lodévois, fut bien davantage encore puisqu’il servait déjà Léon X puis Clément VII, prédécesseurs de Paul III. Cet artiste et lettré, protégé de l’évêque de Lodève, Guillaume Briçonnet, a été formé et repéré à l’école capitulaire de Lodève avant d’être envoyé à Tours, un centre qui bénéficiait encore de la renommée de Jean Fouquet. Il accompagna ensuite son évêque nommé ambassadeur auprès de Léon X. C’était le début d’une vie entière passée en Italie. Vincent Raymond y fut employé par la Chapelle Pontificale, à illustrer les manuscrits que Léon X, puis Clément VII, collectionnaient en mécènes. C’est à ce poste que le trouve Paul III, qui l’y conserve. Ce Français connaît tous les honneurs : membre de l’Académie pontificale des Beaux-Arts, ou Académie du Panthéon, il est nommé Miniaturiste du Pape et de la Chapelle et Sacristie Pontificale à vie, goûté de tous les grands (comme Charles Quint) auxquels le recommandent ses réalisations pour le pape. Celui qu’Auguste Boyer d’Agen devait appeler « le prestidigitateur de la lumière et de la poudre d’or » ne servait pas uniquement par amour de l’art – ni d’ailleurs par appât du lucre, car il mourut ruiné. Son œuvre, même si elle est plus travail de copiste qu’invention originale, est une profession de foi personnelle. Vincent Raymond faisait en effet partie des proches de Philippe Neri, avec lequel il fonda par exemple une confrérie destinée à venir en aide aux pèlerins pauvres. Quand il décéda, des récits édifiants de sa mort circulèrent à Rome. À vrai dire, des doutes pèsent aujourd’hui sur l’attribution de cette page – la plus connue du psautier – à Vincent Raymond : la vigueur de l’ensemble ne reflète pas ses habitudes de miniaturiste, mieux retrouvées dans le foisonnement décoratif de la bordure. Mais nulle autre paternité n’est avancée. la création du monde

RkJQdWJsaXNoZXIy NzMzNzY=