18 répandue : l’Église, avec ses commandements et ses interdits, ne nous rend-elle pas amère la plus belle chose de la vie ? N’élève-t-elle pas des panneaux d’interdiction justement là où la joie prévue pour nous par le Créateur nous offre un bonheur qui nous fait goûter par avance quelque chose du Divin ? 4 En est-il vraiment ainsi ? Le christianisme a-t-il véritablement détruit l’eros ? Regardons le monde préchrétien. Comme de manière analogue dans d’autres cultures, les Grecs ont vu dans l’eros avant tout l’ivresse, le dépassement de la raison provenant d’une « folie divine » qui arrache l’homme à la finitude de son existence et qui, dans cet être bouleversé par une puissance divine, lui permet de faire l’expérience de la plus haute béatitude. Tous les autres pouvoirs entre le ciel et la terre apparaissent de ce fait d’une importance secondaire : « Omnia vincit amor », affirme Virgile dans Les Bucoliques – l’amour vainc toutes choses – et il ajoute : « Et nos cedamus amori » – et cédons, nous aussi, à l’amour2. Dans les religions, cette attitude s’est traduite sous la forme de cultes de la fertilité, auxquels appartient la prostitution « sacrée », qui fleurissait dans beaucoup de temples. L’eros était donc célébré comme force divine, comme communion avec le Divin. L’Ancien Testament s’est opposé avec la plus grande rigueur à cette forme de religion, qui est comme une tentation très puissante face à la foi au Dieu unique, la combattant comme perversion de la religiosité. En cela cependant, il n’a en rien refusé l’eros comme tel, mais il a déclaré la guerre à sa déformation destructrice, puisque la fausse divinisation de l’eros, qui se produit ici, le prive
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