Foucauld

Ce qui va suivre n’est pas une biographie ou une hagiographie de Charles de Foucauld. Mais quelques moments de sa vie, quelques repères autour desquels la roue tourne, un destin se construit. Cette vie, elle va des extravagances à l’épurement. De l’ombre (l’ennui que traîne Foucauld dans sa jeunesse) à la lumière (celle qui l’attend dans le désert). Cette jeunesse où l’on croise Philippe Pétain, son condisciple à Saint-Cyr, et certains vont échafauder là-dessus bien des idées absurdes. Rappelons qu’il y eut plusieurs Pétain comme il y eut plusieurs Foucauld. Et que l’on ne peut pas toujours deviner, dans les temps de formation, les aberrations qui surviendront à l’âge adulte. Ce n’est qu’un détail dans notre histoire. Mais Foucauld resta jusqu’au bout, dans l’âme, un officier français. Il ne me semble pas que ce soit une tare. De là à le considérer comme un agent colonial, un espion au service de la France, un « imposteur mécréant », il y a un pas que nous n’avons pas franchi. Certes, il croit à l’œuvre de civilisation de la France en Algérie. Et en cela devait-il partager certains stéréotypes de son époque. Sauf qu’il parvint à les dépasser pour devenir un « défricheur », un « frère universel ». Alors que ces mêmes stéréotypes allaient en mener beaucoup droit dans le mur. (Bien des égarements monstrueux naissent dans les stéréotypes dont on ne se méfie jamais assez.) Il avait ses démons aussi. Comme nous tous. De là, l’idée de cette tentation dans le désert. Cette tentation, c’est celle de l’orgueil. Il la combattra. Il est demandé à tout chrétien d’être prêt à accepter le martyre. Non de le souhaiter. Foucauld semblait le souhaiter parfois. Il l’a écrit. Mais la prière, les vibrations d’une foi qui dépouille lui permettront de vaincre ce murmure du diable. On le voit, ce qui nous a intéressés dans ce projet, c’est l’homme, non le saint. C’est la marche vers la lumière, le dépouillement. Un chrétien est aussi un combattant. Il n’y a rien de pire qu’un chrétien passif, replié dans la forteresse de ses certitudes. Alors, dans le désert, seul, face au soleil et à ses mirages, il y eut ce combat mené par Foucauld pour éloigner la tentation, l’appel de l’orgueil, cette fausse piste difficile à saisir parfois. C’est un moment important. Il donne son titre à notre histoire. À l’heure où la bêtise et l’ignorance gagnent du terrain, où les amalgames et les fausses vérités corrompent nos moyens de communication, il est bon de rappeler l’itinéraire de cet homme né dans le positivisme de son époque et qui s’avança vers d’autres croyances, d’autres mondes, avec un sens réel de l’écoute et du respect. Car l’autre, le frère d’en face, n’est qu’un enrichissement de notre moi. À mes amis musulmans, à mes amis juifs, je dédie donc cet ouvrage. Il y a une table où nous partagerons le pain et le vin. Vœu pieux ? Ainsi vont mes croyances, en tout cas. JEAN DUFAUX

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