La divine bibliothèque

23 Cervantès était-il catholique ? Tout Don Quichotte est parsemé de propositions des plus catholiques et, en général, toute la « cosmovision » de Cervantès, son habileté si fine à se moquer et à croquer ses personnages, à rire d’eux (et avec eux) et donc à mieux rire de lui-même, ce don de les traîner dans la boue, puis de rendre leur splendeur en un instant, exige de s’immuniser contre les brumes luthé- riennes (sans compter son talent unique pour sonder les âmes). Les déclarations catholiques que nous trouvons parfois dans Don Quichotte sont si explicites qu’elles pourraient effective- ment être des professions de foi. Ainsi, par exemple, lorsque Don Quichotte rappelle : « La sainte loi que nous professons, laquelle nous commande de faire le bien à nos ennemis, et d’aimer ceux qui nous haïssent. Ce commandement paraît quelque peu difficile à remplir ; mais il ne l’est que pour ceux qui sont moins à Dieu qu’au monde, et qui sont plus de chair que d’esprit. En effet, Jésus Christ, Dieu et homme véritable, qui n’a jamais menti et n’a pu jamais mentir, a dit, en se faisant notre législateur, que son joug était doux et sa charge légère. Il ne pouvait donc nous commander une chose qu’il fût impos- sible d’accomplir » (II, 27). Par ailleurs, Cervantès présente très finement ses réflexions sur la guerre juste, ce qui démontre une connaissance particulièrement approfondie des aspects les plus politiques de la doctrine catholique : « Il n’y a que quatre choses pour lesquelles les républiques bien gouvernées et les hommes prudents doivent prendre les armes et tirer l’épée, exposant leurs biens et leurs personnes. La première, c’est la défense de la foi catholique ; la seconde, la défense de leur vie, qui est de droit naturel et divin ; la troisième, la défense de leur honneur, de leur famille et de leur fortune ; la quatrième, le service de leur roi dans une guerre juste ; et, si nous voulions en ajouter