La divine bibliothèque

25 Cervantès était-il catholique ? « pour savoir donner clairement raison de la foi chrétienne qu’il professe » (II, 18). Sancho Panza, moins théologien que son maître, n’hésite cependant pas à proclamer sa foi « ferme et vraie en Dieu et en tout ce que la sainte Église catholique romaine a et croit » (II, 8). Et l’on constate rapidement que, bien qu’il ne sache pas lire, il a dû écouter de bons prédicateurs, puisqu’il sait que Dieu « juge les cœurs » (II, 33) et que l’on rend compte dans l’autre vie des « paroles oiseuses » (II, 20). En fait, la connaissance de Cervantès des décrets du concile de Trente s’avère vraiment impressionnante sur des sujets extrê- mement variés (comme les tournois ou les mariages contractés par les pères et contre la volonté des enfants, ce qu’il abhorre). Enfin, il sait qu’il ne peut y avoir de charité sans vérité, tout comme il ne peut y avoir de miséricorde sans justice. C’est pourquoi, lorsqu’il est pris de compassion pour Ricote le Morisque, il nous fait d’abord comprendre que sa femme et sa fille sont déjà catholiques, et, bien qu’il ne le soit pas tout à fait, il est « plus chrétien que maure ». Il prie chaque jour Dieu de lui ouvrir « les yeux de l’intelligence » et de lui « donner de savoir comment il doit le servir » (II, 54). Cervantès fait égale- ment preuve d’une grande sensibilité contre-réformiste dans ses appels constants à la « conscience » et au « scrupule * » moral, dans son utilisation toujours précise et exacte des épithètes « catholique » et « hérétique », dans ses critiques sur l’« amour fou » romantique. Et, bien sûr, dans ce commentaire inimi- table qu’il consacre à l’Allemagne, la patrie de Luther, où « les habitants n’y regardent pas à beaucoup de délicatesses ; chacun vit comme il lui plaît, et, dans la plus grande partie de cette * [NdT] Comprendre : « bonne » ou « mauvaise » conscience.

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