La divine bibliothèque
31 La vie est un songe de la Providence divine, à laquelle le prince doit se soumettre, faisant de l’obéissance une vertu. Le prince machiavélique s’est envolé pour toujours de l’âme de Sigismond. La désillusion dont il a souffert a tué la bête qui coexistait avec l’homme. Il renonce à sa férocité passée face à la considération de l’obsolescence du pouvoir humain : « Ne laissons pas s’élever si haut nos pensées orgueilleuses, et ne désirons pas tant la gloire humaine, si nous devons regretter de l’avoir obtenue quand elle se sera évanouie. Moins cette gloire sera grande, moins nous la regretterons, quand nous l’aurons perdue. » Cette conversion lui permettra également de renoncer aux plaisirs de la concupiscence (on le voit ainsi renoncer à Rosaura, pour le bien d’Astolfo) et de réprimer des inclinations perverses qui l’auraient amené à se venger de son père, car « ce n’est point par l’injustice que l’on triomphe de la fortune ; au contraire, par l’injustice, on ne fait que l’irriter ; et pour la vaincre, il faut s’armer de sagesse et de modération. » Calderón nous montre enfin dans La vie est un songe que l’homme qui se laisse entraîner par l’appétit de l’orgueil, en croyant en la pérennité de la vie terrestre, s’abuse lui-même. Et ce n’est que lorsqu’il se rend compte qu’il s’agit d’un bref passage qu’il éprouve une véritable crainte de Dieu et de son jugement. Cette crainte de Dieu, qui est le moteur de la véritable sagesse, lui apprend la modération, la discrétion et la prudence. Le grand drame philosophique de Calderón nous révèle in fine un traité approfondi de politique catholique, qui nous confronte au machiavélisme sordide et dominant de notre époque, d’autant plus grotesque quand les politiciens se croient « composés d’hommes et de bêtes » alors qu’ils ne sont que de ridicules mauviettes sans crainte de Dieu.
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