La divine bibliothèque

11 Prologue Manuel Azaña affirmait qu’en Espagne, « la meilleure façon de garder un secret est de le publier dans un livre ». Donc, je profite de n’être lu par personne pour vous révéler (je veux dire, conserver !) le secret le plus lancinant qui se cache dans mon cœur. Je me suis fait connaître comme écrivain, il y a plus de vingt-cinq ans, alors que j’étais encore un tout jeune novice qui n’avait pas atteint le quart de siècle. Et, pour diverses rai- sons que j’hésite à qualifier aujourd’hui de providentielles ou de sinistres, j’ai immédiatement goûté au succès (ou à ce que le monde entend par succès). La vanité nous fait croire que le succès – quand il est le nôtre – est la conséquence naturelle (et très juste) de nos mérites et le ressentiment nous fait croire que le succès des autres est la conséquence de la fortune (et donc injuste, voire arbitraire). Ces deux considérations sont erronées et, au fond, filles de la même malignité insidieuse. Le succès, à proprement parler, n’est rien d’autre que la récompense accor- dée par le monde lorsque ce dernier pense pouvoir profiter de nos dons, en nous utilisant comme des pantins ou des idiots utiles à ses propres desseins. Et la durée du succès dépendra exclusivement de la docilité avec laquelle nous nous montre- rons prêts à obéir à ces desseins. Je ne veux pas dire par là que celui qui profite (ou plutôt souffre) du succès ne le mérite pas, ou que pour l’atteindre, il s’est résigné à devenir un pantin ou un idiot utile. Je pense au contraire qu’il y a des personnes qui

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