La priere dans l'art

Le Baptême du Christ, Piero della Francesca (v. 1415/20-1492), National Gallery, Londres. 4 Parler à Dieu, se mettre à son écoute, voilà tout l’enjeude la prière. Comment l’art qui, selon le mot de Bergson, rend visible l’invisible, aurait-il pu ne pas se saisir de la prière comme d’un sujet primordial ? La prière est au cœur de la vie des croyants, et l’art exalte ce lien entre prière et vie : voilà le thème de ce livre. Quandprie-t-on? Il faut bien le reconnaître, c’est d’abord lorsqu’on doit faire des choix, affronter les difficultés, accepter la souffrance. Même Jésus a prié dans ces situations et le Nouveau Testament dit que « pendant les jours de sa vie dans la chair, il offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect » (He 5, 7). Dans ce tableau représentant le baptême du Sauveur, l’artiste Piero della Francesca montre le Christ les mains jointes et le regard tourné vers l’intérieur, totalement orienté vers « Dieu qui pouvait le sauver de la mort » ( 4). Le baptême de Jésus dans le Jourdain préfigure en effet sa mort sur la croix, le passage à travers les eaux de la mort. La gravité avec laquelle Piero della Francesca représente son visage fait allusion à cette terrible prise de conscience, tout comme le calme absolu du jeune homme suggère son « humble soumission » à Dieu. La sérénité du Christ est également due au fait qu’une voix s’est fait entendre, lorsqu’il a accepté le baptême et avec celui-ci la croix, une voix venue du ciel pour le reconnaître comme le Fils bien-aimé de Dieu, en qui le Père « trouve sa joie » (Mt 3, 17 ; Mc 1, 11 ; Lc 3, 22). Le quatrième Évangile, qui ne mentionne pas la voix, déclare que, sur l’ordre du Père, Jean Baptiste a témoigné sur-le-champ : « c’est lui le Fils de Dieu » (Jn 1, 34). Dans le tableau de Piero della Francesca, la prière se présente à nous à la fois comme une occasion d’engagement existentiel et comme le lieu d’une identité éternelle. Cette identité, divine et humaine, dans le cas du Christ, est visible dans sa beauté corporelle, semblable à celle d’une statue antique ; l’engagement est lisible sur son visage grave et, si l’on regarde l’image dans son ensemble, dans l’arbre qui pousse à côté de lui et qui fait allusion à 12

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