La priere dans l'art

97  La prière liturgique poitrine et tourne un regard extatique vers le Christ présent dans le pain consacré. Pendant ce temps, à travers une large fenêtre, on voit un ange prendre la place du saint derrière l’attelage de bœufs. Malgré sa modeste qualité artistique, ce tableau fournit un certain nombre d’enseignements précieux. En premier lieu, le choix du sujet pour l’autel d’une église de campagne : un saint paysan capable de donner aux agriculteurs de la région le bon exemple du fidèle accomplissement de l’obligation d’assister à la messe les dimanches et les jours saints, sans se préoccuper des exigences du travail. La date de l’œuvre, probablement quelques années après la canonisation d’Isidore en 1622, est tout aussi significative : à la fin du xvie et au xviie siècle, l’Église a réitéré non seulement sa foi dans la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, mais encore dans le fait que la messe est la représentation fidèle du sacrifice de la croix. Ce n’est donc pas un hasard si le tableau souligne l’adoration du prêtre et du peuple, et montre l’hostie élevée au niveau de la croix dorée posée sur l’autel. L’accent mis par l’artiste sur la représentation précise des objets et des vêtements liturgiques (le crucifix et les chandeliers, le missel et les cartes de messe, le calice et la patène, l’aube, la chasuble, l’étole et le manipule du prêtre) reflète le ritualisme de la spiritualité catholique du xviie siècle, développé en réponse à la simplification radicale de la liturgie dans les églises protestantes. Cependant, notre tableau offre encore d’autres perspectives, plus importantes. Il raconte l’histoire d’un paysan espagnol pour qui la messe quotidienne était possible et même normale, et présente comme pertinents au xviie siècle des événements remontant à près de sept cents ans. De cette façon, l’œuvre montre clairement que la pieuse participation à la messe est une forme universelle de prière qui affecte la vie des plus simples des membres de l’Église, et ce depuis très longtemps : non seulement depuis l’époque de saint Isidore au xie siècle, mais encore – si nous nous souvenons de la messe quotidienne au cours de laquelle saint Antoine le Grand a reconnu sa vocation (voir chapitre 1, 14) – depuis au moins le iiie siècle ! En effet, on peut affirmer sans hésitation que, dans la vie de l’Église, la liturgie eucharistique a été la forme principale de la prière publique officielle pendant presque deux mille ans, sans interruptions ni altérations. Une prière sans interruptions  Les premières communautés chrétiennes se réunissaient dans des maisons privées afin de célébrer un rite d’action de grâce à Dieu qui sera connu plus tard sous le nom d’Eucharistie. Elles le faisaient sous une forme rituelle déjà codifiée au milieu du ier siècle ( 41).

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