La priere dans l'art

La Vierge de l’Annonciation, Antonello da Messina (v. 1430-1479), Galleria Regionale di Palazzo Abatellis, Palerme. 67 166 La lecture aussi peut être prière. Bien sûr, le christianisme n’est pas une «religion du livre », mais plutôt une foi en la Parole, c’est-à-dire en ce Verbe de Dieu qui, dans le sein de Marie, « s’est fait chair » et « a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire » (Jn1, 14a). Les livres ont cependant une fonction spirituelle et l’art chrétien associe l’Incarnation elle-même à la lecture d’un texte, comme le montre clairement LaVierge de l’Annonciation d’AntonellodaMessina, oùMarie est représentée devant un livre ouvert qu’elle était manifestement en train de lire ( 67). L’archange Gabriel, habituellement présent dans les scènes d’Annonciation, est ici absent. La personne qui regarde le tableau prend donc la place du messager céleste à quelques mètres de la jeune femme qui, en remarquant notre présence, interrompt sa lecture. Sa main droite, magnifiquement raccourcie, exprime la surprise, tandis que samain gauche tire instinctivement son voile autour d’elle. La beauté intelligente de cette femme, son regard complice et le sourire qui effleure ses lèvres sont inoubliables : une beauté typiquement sicilienne qui plus est, avec les pommettes hautes et les yeux en amande de l’univers féminin sud-méditerranéen. La luminosité de son visage et de l’ample voile bleu, miracle de la nouvelle technique flamande à l’huile tant admirée par Antonello, devient unemétaphore de la lumière intérieure, de cette Lumière qui, à ce moment et en Marie, entre dans le monde. En réalité, tous les textes ne suscitent pas la prière, mais seulement ceux qui illuminent et donnent de la joie. Ici, il est clair que la jeune femme dépeinte par Antonello ne lisait pas quelque chose de mondain, d’ordinaire, ni même d’utile ; elle ne lisait pas pour le plaisir ou à des fins d’étude. Elle lisait la parole de Dieu dans l’attente révérencieuse qu’il s’y révèle ce que, dans son cas, le Très-Haut a fait d’une manière nouvelle, singulière et inimaginable, en prenant chair en elle. Ainsi, la surprise qu’elle manifeste n’est pas causée par l’ange, mais par une présence qu’elle a reconnue d’abord dans le texte qu’elle lisait, puis dans son propre cœur. Dieu avait promis : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-àdire : Dieu-avec-nous) » (Is 7, 14b).

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