Les rois mages

« Hors de question ! Tu m’entends bien ? Il est hors de question que tu m’accompagnes ! Nous ne savons pas combien de temps durera l’expédition, ni quels dangers nous rencontrerons ! —Mais Père, je veux moi aussi aller voir ce roi ! Après tout, sans moi, vous n’auriez peut-être pas vu l’étoile qui annonce sa naissance ! De nombreux soldats seront là pour protéger les trésors que vous lui destinez : je ne risquerai rien ! — Sara, plus un mot. Tu resteras chez ta tante, ici, à Babylone et je te raconterai notre périple à mon retour. Sara, consciente qu’il ne servirait à rien d’argumenter, courba la tête. Son père était fort capable de mettre sa menace à exécution et de la cloîtrer chez sa tante Ester. Soudain, elle se redressa. Lui revinrent en mémoire ses jeux d’enfance dans les jardins de sa tante, avec son cousin Assyrius : que de fois Sara s’était-elle glissée avec joie dans des habits de garçon pour partir à l’aventure sans être empêtrée dans ses robes ! Allongée sur son lit, elle se demandait si cette chaleur dans sa poitrine n’allait donc jamais cesser ? Et d’où venait cette voix qu’elle entendait dans son cœur : « Je t’attends. Viens à moi ! » ? Le mage passa la main dans sa barbe brune et se redressa sur son cheval : « Sommes-nous encore loin, à ton avis, Balthazar ? » Ils voyageaient depuis trois mois et demi déjà, formant une longue procession sur plusieurs centaines de mètres : en tête marchaient Gaspard, Melchior et lui, sur de vifs chevaux arabes nerveux et endurants. Une foule de serviteurs suivait, transportant des bagages à dos de chameaux ou conduisant des charrettes remplies de victuailles. Il avait fallu prévoir des provisions pour toute la caravane : savants, serviteurs, soldats… La troupe armée était nombreuse en effet, comme l’avait prédit Sara, et encadrait un chariot dans lequel étaient entreposés les présents destinés au roi qu’ils allaient honorer : or, myrrhe, encens. Rien n’était trop beau pour lui ! Cependant, il fallait se méfier, car ces cadeaux pouvaient attirer la convoitise de brigands ! Non loin de ce chariot, assis sur le dos d’un chameau, un jeune page observait l’horizon de ses yeux noirs, pensif. Du tissu qui lui couvrait la tête et le protégeait du soleil ardent jaillissaient de folles et courtes boucles brunes. Sara, car c’était elle, repensait à cette fameuse soirée, 23 N° 2 /

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