Mgr_Miollis_Magnificat2024

Ont participé à cet ouvrage : Françoise Delannoy, Jean-Paul Saugeron, et le père Charles Honoré, avec l’aide de Bénédicte Delelis. Direction : Romain Lizé Direction éditoriale : David Gabillet Édition : Gabrielle Charaudeau Réalisation graphique : Diane Danis Iconographie : Isabelle Mascaras Relecture : Arnaud Gancel, Aude Pillet et Lou Trullard Fabrication : Juliette Darrière et Thierry Dubus © Magnificat SAS, 2024, pour l’ensemble de l’ouvrage. 57, rue Gaston Tessier, 75019 Paris www.magnificat.fr Tous droits réservés pour tous pays. Première édition : mai 2024 Dépôt légal : mai 2024 ISBN : 9782384040339 Code MDS : MT40339 Petite histoire de Monseigneur de Miollis l’évêque de Digne qui a inspiré Victor Hugo pour Les Misérables Nos plus vifs remerciements vont à Monseigneur Jean-Philippe Nault, évêque de Digne de 2015 à 2022, qui, à travers l’association « Monseigneur de Miollis, évêque de Digne », a soutenu ce projet d’écriture, ainsi qu’aux auteurs, membres de l’association : Françoise Delannoy, Jean-Paul Saugeron et le père Charles Honoré, aidés de Bénédicte Delelis ; et, enfin, à Alix Montagne et Romain Lizé qui ont contribué à la réalisation ultime de cet ouvrage. Nos remerciements vont aussi à M. Henri de Lander qui nous a aimablement communiqué des documents et une bibliographie concernant Monseigneur de Miollis et sa famille. Ils vont également à Anne-Marie Saugeron qui a participé à la relecture de ces pages.

5 Nommé évêque de Digne le 15 octobre 2022, je ne connaissais rien à Monseigneur de Miollis, mais, sans le savoir, il est venu me rencontrer, discrètement, et sans que je m’en aperçoive… Pour me rendre dans mon nouveau diocèse, je suis parti à pied de Carpentras, la cathédrale dont j’étais titulaire. J’apprendrai plus tard que Monseigneur de Miollis avait été ordonné prêtre à Carpentras. En arrivant à Digne, je reçus, par la poste, la bulle pontificale par laquelle le pape François me nommait évêque de Digne, Riez et Sisteron. Dans ce document officiel, il évoquait l’un de mes prédécesseurs, mis en valeur par un grand écrivain français, et m’invitait à m’inspirer de lui. Je pensai alors à un saint évêque de Digne. Le pape ne pourrait donner comme exemple un évêque qui ne soit pas encore béatifié ! J’appris qu’il s’agissait sans aucun doute de celui qui a inspiré Monseigneur Myriel dans l’œuvre exceptionnelle de Victor Hugo, Les Misérables. C’est à ce moment-là que je compris que j’avais été mené par le bout du nez, par le bout de mes chaussures de marche plutôt, et qu’il me faisait signe depuis le début. Ce fut un véritable choc spirituel qui, préface .............................................................................................................................................. 5 avant-propos .............................................................................................................................. 8 introdUction ............................................................................................................................. 10 1. UNE FAMILLE PROVENÇALE AVANT LA RÉVOLUTION ............................. 13 2. PRÊTRE À L’HEURE DE LA RÉVOLUTION .............................................................. 21 3. MONSEIGNEUR DE MIOLLIS, ÉVÊQUE DE DIGNE ......................................... 31 4. UN ÉVÊQUE MISSIONNAIRE .......................................................................................39 5. UN ÉVÊQUE POUR LES PAUVRES.............................................................................. 51 6. UN ÉVÊQUE (RE)FONDATEUR .....................................................................................59 7. LES DERNIÈRES ANNÉES D’UN MISSIONNAIRE INFATIGABLE .............67 8. MONSEIGNEUR DE MIOLLIS ET L’ESPRIT D’ENFANCE ............................... 73 9. MONSEIGNEUR DE MIOLLIS ET VICTOR HUGO ........................................... 81 tableaU de concordance chonologiqUe ......................................................92 sommaire préface

7 (encore !) canonisés et qui ne le seront, pour beaucoup, jamais. Humble et doux, il passait inaperçu mais laissait dans le cœur de chacun une empreinte profonde, celle du Christ, devant lequel il aimait s’effacer. Il serait le premier surpris qu’on s’intéresse à lui au point de vouloir qu’il soit canonisé. Parce qu’évidemment, après avoir pris le temps de consulter le diocèse, d’avoir prié aussi, j’ai proposé à la conférence des évêques de France que son procès de béatification soit ouvert. L’assemblée a approuvé ce projet à une écrasante majorité. Désormais, il faut le faire connaître, ou plutôt, il faut que derrière celui qui est mondialement connu comme Monseigneur Myriel des Misérables, se révèle le visage de celui qui non seulement l’a révélé, mais le dépasse. Oui, celui que vous connaissez comme un personnage de roman a vraiment existé, et sa vie vous bouleversera. Je vous invite à demander au Seigneur qu’il soit béatifié, en utilisant la prière qui se trouve à la fin de mon texte. L’Église a besoin, les évêques du monde entier ont besoin de cette figure, celle d’un évêque qui est avant tout un pasteur, un évangélisateur et un serviteur des plus pauvres, à la suite de Jésus. Monseigneur Gobilliard, évêque de Digne, Riez et Sisteron. depuis, guide mes décisions et inspire mes actions. Monseigneur de Miollis devint dès lors comme un grand frère qui m’accompagne de sa bonté, de son intelligence pastorale et de son extraordinaire modernité. Je décidai de parcourir le diocèse, non plus à pied ni à dos de mulet, mais en voiture, tout simplement. Pendant la première année de mon ministère, je fus en visite pastorale permanente, sillonnant les cinq doyennés du diocèse en prenant mon temps. Deux mois par doyenné, en logeant sur place si besoin, pour aller, comme Monseigneur de Miollis, à la rencontre des gens, tout simplement, des pauvres surtout, des personnes âgées dépendantes en particulier, de tous ceux qui font vivre le diocèse et le département. Quel bonheur ! C’est la principale mission de l’évêque et j’en éprouve une joie profonde. J’en fis ma devise : « Pour que ma joie soit en vous ! » (Jn 15, 11). Le pape François citera deux fois encore cet évêque missionnaire. Avec un siècle et demi d’avance, Charles Bienvenu de Miollis avait mis en pratique ce que le Saint-Père attend d’un évêque. Il était profondément libre, vis-à-vis du pouvoir politique, vis-à-vis du « qu’en dira-t-on », vis-à-vis de l’image qu’on se faisait, à l’époque, d’un évêque. Sa priorité était d’annoncer Jésus Christ avec simplicité. Homme de foi, passionné de Jésus Christ, il était de cette catégorie dont parle le pape dans son document sur la sainteté, « Gaudete et Exultate » : il fait partie de ces saints « de la porte d’à côté », ces nombreux saints discrets qui ne sont pas

9 homme d’une très grande intériorité était aussi un homme d’action qui a su prendre des décisions remarquables. Il a mis en œuvre les solutions nécessaires pour que chacun puisse retrouver, grâce au Christ, un sens à sa vie. L’évangélisation a été le véritable pôle de son existence : annoncer l’Évangile, catéchiser, nourrir par les sacrements. Il avait ce souci, non seulement de la vie spirituelle des personnes, mais de leur formation humaine intégrale. En témoignent les nombreuses œuvres qu’il a créées ou suscitées, les rencontres avec les personnes partout et jusque dans les moindres hameaux du diocèse, sa proximité avec tous grâce à une simplicité évangélique et une très grande disponibilité. Toujours en route, jusqu’au soir de sa vie, avec des méthodes anciennes renouvelées en permanence, sans cesse à la recherche de moyens nouveaux pour que l’évangile ne cesse d’être annoncé, le Christ, connu, l’espérance, redonnée à tous. Tout cela est bien actuel : le pape François nous le rappelle sans cesse, notre ancien évêque Monseigneur Nault a vécu son épiscopat à Digne dans ces dispositions. Que nous puissions tous découvrir cet homme admirable et ce saint évêque, et continuer aujourd’hui ce qu’il a commencé hier. Père Charles Honoré, postulateur de la cause de béatification de Monseigneur de Miollis. On est émerveillé en regardant vivre Monseigneur de Miollis, tant de la simplicité que du rayonnement et de la force qu’il inspire ! Il y a quarante ans, j’arrivais comme séminariste dans le diocèse de Digne. Et dès la première rencontre, le père Marcel Daumas, majoral du Félibrige (mon curé), me parla de Monseigneur de Miollis. J’étais intrigué et surpris. Qu’est-ce qu’un évêque du xixe siècle pouvait bien apporter au monde d’aujourd’hui ? Quelle pouvait être son actualité ? Curieux, je me suis mis à chercher. Depuis, avec Monseigneur de Miollis, un compagnonnage et une amitié respectueuse n’ont cessé de se développer. Et je n’ai toujours pas fini de découvrir ce personnage hors du commun, si proche des enjeux de son temps et pourtant si actuel. La famille était un phare de sa vie : celle dans laquelle il a grandi, qui l’a formé et éduqué, qui l’a suivi et soutenu dans son exil, dans son ministère d’évêque et jusque dans ses derniers jours. Il a eu à cœur de faire vivre ces valeurs familiales au sein de son diocèse : comme évêque, il fut un père attentif, dévoué, proche de tous, aimant, exigeant. Sa foi, sa constance dans la foi et dans ses engagements sont remarquables, que ce soit dans l’exil à Rome, dans son diocèse ou dans sa vieillesse. Il vivait dans un monde où tout était à reconstruire. Et il a trouvé les moyens de redonner à tous une véritable espérance. Cet avant a -propos

Portrait de Monseigneur de Miollis 11 d’épiscopat, Monseigneur de Miollis fut, par l’exemple de sa vie, un modèle de piété, de foi et de charité. Les BasAlpins ont conservé le souvenir de ce pasteur qui fut aimé comme un père et vénéré comme un saint. Monseigneur de Miollis arrive dans la ville de Digne le 30 mai 1806. Son prédécesseur, Monseigneur Dessolle, originaire du Sud-Ouest, n’est resté qu’un peu plus de deux ans dans le diocèse, assez pour réorganiser l’Église diocésaine après les années de la Révolution, mais pas suffisamment pour relever les ruines ni pour s’attacher la population. Digne est un bourg d’environ 3 000 habitants, en partie encore ceint de ses murailles, ses tours et ses portes. L’alignement qui deviendra la voie principale, le boulevard Gassendi, est à peine en chantier et les arbres qui le borderont ne sont pas encore plantés. Partout les rues sont dépavées et la circulation est entravée par la coutume de les utiliser pour faire du fumier. L’abattoir municipal n’existe pas, on égorge le cochon chez le particulier ou dans la rue. Les bâtiments ecclésiastiques devenus biens nationaux, vétustes, délabrés, sans fonctionnalité, abritent les différents services de l’administration. Le préfet ne loge pas à la préfecture, pas plus que l’évêque à l’évêché. La population du diocèse de Digne est, depuis de nombreuses années, privée de soins spirituels. Pendant trente-deux années introdUction

1. UNE FAMILLE PROVENÇALE AVANT LA RÉVOLUTION

15 14 Une ascendance éminente Charles-François-Melchior-Bienvenu de Miollis (19 juin 1753-27 juin 1843), évêque de Digne de 1806 à 1838, descend d’une famille dont la présence en Provence est attestée dès le XVIe siècle. Installés à Aix-en-Provence à la fin du XVIIe siècle, les Miollis fournissent des générations de magistrats respectés – greffiers, trésoriers, conseillers, procureurs, assesseurs – qui leur attirent rapidement l’estime de tous. Le père du futur évêque, Joseph-Laurent Miollis, se voit octroyer en 1769 des lettres de noblesse « en reconnaissance de ses éminents services ». En 1741, il avait épousé Delphine-Thérèse Boyer de Fontcolombe, elle-même petite-fille et fille de deux consuls d’Aix. C’est donc dans une double tradition de travail et d’honneur que grandit le jeune Charles-François-Melchior-Bienvenu, souvent simplement appelé Charles-Bienvenu ou Bienvenu. Une famille nombreuse De l’union de Joseph-Laurent et de Delphine-Thérèse naissent en vingt ans seize enfants, dont sept meurent en bas âge. Survivent cinq garçons et quatre filles, dont plusieurs s’illustreront dans divers champs d’activité. Honoré (1743-1809), haut magistrat et jurisconsulte, spécialiste des institutions, alertera l’opinion publique sur la maltraitance des enfants trouvés. Balthazar (1749-1827), entré au service des armes, se révélera un brillant officier dans les guerres napoléoniennes d’Espagne et d’Italie et deviendra adjudant-général. Troisième fils et cinquième enfant, Bienvenu, évêque de Digne, est le sujet de ce livre. Gabriel (1758-1830), organisateur et administrateur de talent, sera maire d’Aix avant d’être nommé préfet dans le Finistère où il fera souche. Sextius (1759-1828), remarqué dans la guerre d’indépendance des États-Unis aux côtés de Rochambeau, deviendra général et comte de l’Empire, avant d’être gouverneur de Mantoue puis de Rome, à l’époque de l’enlèvement du pape Pie VII en 1809. Les quatre sœurs – Thérèse-Delphine (1744-1816), Jeanne-Désirée (1750-1802), Émilie-Félicité-Thérèse (17611834), Anne-Magdeleine (1763-1843), se marieront dans la région. Émilie - épouse de Louis d’Estienne d’Orves - et « Annette » - épouse de Joseph-Augustin de Ribbe - resteront même à Aix.

2. PRÊTRE À L’HEURE DE LA RÉVOLUTION

23 22 Catéchiste des campagnes Dans l’œuvre du catéchisme des campagnes, de pieux laïques, parcourant les hameaux et les fermes, allaient d’abord apprendre aux jeunes enfants les rudiments du catéchisme ; des ecclésiastiques du séminaire le leur expliquaient ; mais ensuite notre saint prêtre, par des instructions fréquentes et proportionnées à leur âge et à leurs besoins, faisait germer dans leurs cœurs la précieuse semence qu’ils avaient reçue, et préparait dès lors les fruits qu’elle devait porter plus tard. Ainsi, chacun collaborait, selon son charisme et sa vocation, à l’annonce de l’Évangile. Charles obtenait un franc succès auprès des enfants pauvres qu’il catéchisait ou préparait à la première communion en s’adressant à eux en provençal; mais plus encore que la langue, c’est l’esprit d’enfance habitant le jeune prêtre qui touchait le cœur de ces petits. Prêtre bon et humble, proche de tous, Charles obtenait de grands succès dans les modestes travaux mais avait, surtout, l’amour des simples tâches. Un jeune prêtre au zèle ardent Le jeune Charles de Miollis, dont la piété précoce avait manifesté très tôt la vocation, fit toutes ses études et sa formation sacerdotale à Aix-en-Provence : séminaire Saint-Eutrope, grand séminaire, université où il fut reçu successivement bachelier, licencié, et enfin docteur en théologie en 1776 à l’âge de 23 ans. Il fut ordonné prêtre le 20 septembre 1777 à Carpentras. L’attrait pour les pauvres Après un court temps à Brignoles, le jeune abbé de Miollis revint à Aix où il exerça comme vicaire (1777), assistant le curé d’une paroisse. On lui confia comme ministère principal le catéchisme des campagnes. Dans cette œuvre, mise en place par Monseigneur de Brancas, archevêque d’Aix, il commença à développer ce qui sera l’axe principal de sa vie de prêtre puis d’évêque : la sanctification et l’évangélisation des plus pauvres et des plus éloignés. Son attrait le portait naturellement vers eux ; et il eût volontiers passé ses jours à les instruire et à les servir. Aussi, ce fut un bonheur pour lui d’avoir à desservir la chapelle des Ursulines, dans sa ville natale, parce qu’il put dès lors consacrer une partie de son temps aux humbles fonctions de catéchiste des pauvres.

4. UN ÉVÊQUE MISSIONNAIRE

41 40 de visiter annuellement et en personne une partie de son diocèse et, dans l’espace de cinq ans, le diocèse entier. Monseigneur de Miollis y voyait un de ses principaux devoirs et, dès le début de son épiscopat jusqu’à un âge très avancé, il entreprit dans son diocèse, dès la fin de l’hiver, de longs voyages, de plusieurs semaines à plusieurs mois, pendant lesquels il logeait chez le curé ou chez l’habitant. Sa première visite pastorale, de juin à septembre 1806, le mena successivement à Sisteron, Gap, Jarjayes, Embrun, Mont-Dauphin, Briançon, au Monêtier (aujourd’hui Le Monêtier-les-Bains), au col du Lautaret (au mois d’août), à Villard-d’Arène, La Grave, puis dans la vallée du Queyras et au col de l’Izoard, puis de nouveau à Briançon et L’Argentière avant le retour à Digne ! L’évêque s’arrêtait dans chaque village et commençait par prier dans l’église, puis il s’adressait à tous, réconfortait, bénissait, prêchait, confessait, catéchisait les enfants ; sa bonté naturelle jointe à un grand esprit de foi frayait un chemin dans les cœurs et « on venait en foule pour voir et entendre cet évêque qui voulait ramener toutes les âmes à Dieu ». Monseigneur de Miollis entreprit sa dernière visite pastorale en 1832, au seuil de ses 80 ans, dans des Rallumer la flamme de la foi dans les cœurs : telle fut, au début du XIXe siècle, la grande et noble tâche de l’Église en France. Monseigneur de Miollis exerça un zèle apostolique extraordinaire. Pour aller à la rencontre des populations rurales des Basses et Hautes-Alpes de son vaste diocèse, qui du Concordat jusqu’en 1823 renferma les territoires de sept anciens diocèses, il entreprit inlassablement des voyages, en carriole, à pied, à cheval, le plus souvent sur une mule, dans des conditions dont on a du mal à mesurer les difficultés aujourd’hui, en raison de la précarité et de la dangerosité des voies de communication tant dans les hautes vallées alpines que dans les vallées étroites des Préalpes méridionales. Les gens de la campagne étaient émus de recevoir leur évêque venant à eux avec tant de simplicité, puis conquis lorsqu’ils l’avaient entendu car sa prédication, si besoin en langue provençale, « avait l’art de se faire entendre à chacun en s’adressant à tous ». Monseigneur de Miollis déploya ainsi son apostolat par des visites pastorales et des missions proprement dites. Les visites pastorales L’article XXII annexé au Concordat de 1801 stipule que cette fonction est départie à l’évêque (ou en cas d’empêchement légitime, au vicaire général) qui est tenu

9. MONSEIGNEUR DE MIOLLIS ET VICTOR HUGO

83 82 L’évêque des pauvres Monseigneur Myriel est appelé couramment dans l’œuvre de Victor Hugo Monseigneur Bienvenu, car il est partout accueilli comme on reçoit le soleil du matin ou les rayons du soir réchauffant le pas des portes. Le personnage de papier a hérité de son modèle de chair et d’os l’exquise et confondante humilité mêlée d’humour : « Quand il riait, c’était le rire d’un écolier, nous décrit le narrateur. Madame Magloire [sa bonne] l’appelait volontiers Votre Grandeur. Un jour, il se leva de son fauteuil et alla à sa bibliothèque chercher un livre. Ce livre était sur un des rayons d’en haut. Comme l’évêque était d’assez petite taille, il ne put y atteindre. – Madame Magloire, dit-il, apportezmoi une chaise. Ma Grandeur ne va pas jusqu’à cette planche1. » Ou encore : « Quel est ce bonhomme qui me regarde ? », s’enquiert encore l’empereur Napoléon en posant les yeux sur le petit abbé Myriel qui se trouvait sur son passage alors qu’ils étaient tous deux par hasard en visite chez monsieur le cardinal Fesch à Paris. 1 Victor Hugo, Les Misérables, Garnier Flammarion, Paris, 1967, p.35 Le personnage qui inaugure l’immense œuvre de Victor Hugo, Les Misérables, est un évêque du nom de Monseigneur Charles François Bienvenu Myriel, évêque de D., précise l’auteur. Des prénoms, il ne manque que Melchior, tandis que du nom ne demeure que l’initiale. Les parallèles entre les deux personnages sont si forts que personne ne s’y trompa. Victor Hugo, contemporain de Monseigneur de Miollis, s’était bien inspiré de l’évêque de Digne pour composer un personnage majeur de sa grande fresque romanesque. Les Misérables paraissent en 1862. Monseigneur de Miollis est mort en 1843. Victor Hugo n’a pas connu personnellement l’évêque mais a recueilli, pour composer son personnage, des informations auprès d’un de ses frères, Gabriel de Miollis, son proche voisin à Paris. Le poète a aussi très probablement lu l’oraison funèbre écrite par le chanoine Bondil. Le roman s’ouvre donc sur la figure solaire de ce vieil évêque à la tête blanche et superbe, allant de son petit pas sur les routes de son diocèse provençal, prodiguant en paroles et en actes une inépuisable et humble bonté. Si l’on observe bien les deux personnages, le réel et l’imaginaire, l’on remarque des points de ressemblance, mais aussi, inévitablement, des dissemblances.

TABLEAU DE CONCORDANCE CHRONOLOGIQUE Dates Mgr de Miollis Histoire politique et religieuse 1801 Fin de la période d’exil 1802 Vicaire de la cathédrale Saint-Sauveur à Aix Promulgation du Concordat Naissance de Victor Hugo 1804 Nommé curé de Brignoles par Mgr de Cicé Sacre de Napoléon par Pie VII (2 décembre) 1805 Nommé évêque de Digne par Napoléon Austerlitz (2 décembre) 1806 Installation à Digne (1er juin) Début des visites pastorales (juin) Séminaire d’Embrun 1809 Décès de son frère aîné Honoré Annexion de l’État pontifical par la France 1810 Mission de Riez Pie VII est arrêté et déporté à Savone Rome déclarée 2e capitale de l’Empire 1811 Présence au concile de Paris Concile de Paris (17 juin 1811) 1812 Pie VII est transféré à Fontainebleau Campagne désastreuse de Russie 1814 Retour de Pie VII à Rome 1re abdication de Napoléon (6 avril) Louis XVIII (1814-1824) Dates Mgr de Miollis Histoire politique et religieuse 1753 Naissance à Aix-en-Provence Règne de Louis XV (1715-1774) 1774 Règne de Louis XVI (1774-1793) 1776 Séminaire d’Aix-en-Provence, reçu docteur en théologie 1777 à 1791 Ordonné prêtre à Carpentras Vicaire à Brignoles puis desservant de la chapelle des Ursulines à Aix et œuvre du catéchisme de la campagne 1790 Vote de la Constitution civile du clergé (juillet) 1791 Condamnation de la Constitution civile par Pie VI (avril) 1792 Début de l’exil en Italie Mort de son père à Aix Décret de déportation des prêtres réfractaires (mai) Massacre du 2 septembre Pie VII (1800-1823) élu pape au conclave de Venise 1793 Les carmélites de Compiègne à l’échafaud Décret de suspicion légale contre tous les prêtres « Déprêtrisation » Exécution de Louis XVI Début des guerres de Vendée 1799 Pie VI, chassé de Rome par les troupes françaises, meurt emprisonné à Valence le 29 août 1799. Coup d’État de Bonaparte (9 novembre) 1800 Pie VII (1800-1823) élu pape au conclave de Venise

Dates Mgr de Miollis Histoire politique et religieuse 1831 Grégoire XVI pape (1831-1846) Notre-Dame de Paris de Victor Hugo Incidents anticléricaux violents en France 1832 Ordonnances diocésaines Supplique de Mgr de Miollis à Grégoire XVI pour condamner les propositions de F. de Lamennais Dernière visite pastorale Encyclique Mirari Vos condamnant le libéralisme mennaisien 1833 F. Ozanam fonde la société de Saint-Vincent-de-Paul 1835 Épidémie de choléra dans les Basses-Alpes 1836 Fondation des sœurs de la Sainte-Enfance dans le diocèse 1837 Saint Eugène de Mazenod, évêque de Marseille Dom Guéranger : les Bénédictins à Solesmes 1838 Démission de Mgr de Miollis, acceptée par Grégoire XVI 1843 Mort de Mgr de Miollis à Aix-en-Provence (27 juin) Inhumation en la cathédrale Saint-Jérôme à Digne (7 juillet) 1862 Publication des Misérables de Victor Hugo Dates Mgr de Miollis Histoire politique et religieuse 1815 « Les Cent Jours » Waterloo (18 juin) et 2e abdication de Napoléon 1816 Ouverture du collège-séminaire de Forcalquier Fondation des Oblats de Marie Immaculée 1817 Mission d’Oraison 1818 Installation des missionnaires au Laus 1819 Mission de Manosque 1821 Grande mission de Digne pendant le carême J.-M. Vianney, curé d’Ars 1823 Nouveau diocèse de Gap Léon XII (1823-1829) pape 1825 Emménagement au nouvel évêché Règne de Charles X (1824-1830) 1826 Mission de Digne pour l’année jubilaire Saint Jacques Chastan ordonné prêtre à Digne 1828 Mort du général Sextius de Miollis Les Jésuites quittent le petit séminaire de Forcalquier 1829 Installation des Ursulines à Digne Pie VIII (1829-1830) 1830 Révolution de Juillet Louis Philippe (1830-1848)

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