11 10 involontaire d’une guerre menée, en elle, entre la loi du plus fort et celle de l’Amour. L’enfance de Marie est marquée par les liturgies de la cathédrale, sa voisine, et par des chansons populaires dont les origines se perdent dans la nuit des temps. Cet alliage va produire en elle un éveil poétique précoce et durable. UNE VIE EN QUESTION Alors qu’elle a quinze ans, Marie s’interroge sur une vocation religieuse et, dans la cathédrale, elle demande au Christ « trois choses folles : beaucoup souffrir, être poète1, être sainte ». Cet appel intérieur au don total d’elle-même ne cessera de parcourir son existence, s’entrecroisant avec son art du verbe, et l’interrogeant jusqu’à la fin sur le sens vocationnel de son art. La perception de cet art comme une vocation reçue ouvre tout son être à une vie étrangère produisant au creux de son œuvre une perle baroque : une intense réflexion sur l’essence de la vie comme Mystère de Relations – Mystère d’une vie distendue s’ouvrant sur celle de Dieu. À la fin de l’année 1904, le 27 décembre, elle retrouve son petit frère de douze ans mort dans son lit ; elle cherchera toute sa vie à traduire dans des mots et des silences sa colère contre la Mort, ainsi que le cri déchirant de sa mère. Dans ces mêmes jours autour de Noël, elle aurait vu partir un homme qu’elle aimait ; cet absent, dont le souvenir est enfoui dans la pudeur sentimentale de Marie, apparaît dans toute son œuvre comme le révélateur d’une profonde et fidèle attente de l’Amour. Amour et Mort resteront à jamais le moteur de ses combats, de sa passion pour l’écriture, de ses explorations intérieures. Les traversées « infernales » qui jalonneront sa vie feront dire à l’abbé Mugnier, avec lequel elle entretiendra une longue correspondance : « Vous avez fait votre petit Dante… » « BEAUCOUP SOUFFRIR, ÊTRE POÈTE… » Entre 1903 et 1905, elle écrit son tout premier recueil de poésies, Les Chansons de Cendrillon, alors qu’elle ne connaît encore rien des règles de la prosodie. C’est son parrain, Raphaël Périé, agrégé de Lettres, inspecteur d’académie et grand ami de son père, qui les lui enseignera bientôt, en 1908, convaincu par le talent « sauvage » se dégageant de ses premières œuvres. C’est dans ce moment de construction de son art que Marie choisit son nom de poétesse « Marie Noël » ; ce double nom a été forgé dans le feu de l’émerveillement devant le mystère de la Nativité et dans celui de la mort rôdant aux alentours de la Crèche, et il apparaît pour la première fois en 1910 dans MARIE NOËL
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