17 16 le mysticisme de Joséphin Péladan et l’ésotérisme des rosicruciens qui dénotent une inquiétude sincère de trouver les voies de la régénération d’un art qu’il voit s’essouffler et dont il cherchera les sources tout au long de sa vie. Le symbolisme auquel on associe Osbert n’est pas aisément définissable : dans ce que certains historiens de l’art n’hésitent pas à appeler une « nébuleuse », on trouve des noms aussi divers que Verlaine, Rimbaud, Mallarmé ou Huysmans du côté de la littérature, et Odilon Redon, Gustave Moreau et bien évidemment Puvis de Chavannes chez les peintres. C’est Jean Moréas qui est à l’origine du mot même de « symbolisme » apparu dans le supplément littéraire du Figaro du 18 septembre 1886 pour désigner une expression renouvelée des émotions et des idées à l’aide d’un usage très libre de la langue dans toutes ses composantes – les mots, les sons, les rythmes, les styles – de façon à donner accès aux idées et émotions en question sans les nommer directement. Le travail d’Osbert, très classique dans ses prémices, trouva donc dans cet univers symboliste un bercail suffisamment large pour y développer une quête profonde de la pureté et de l’éternité, à travers des variations qu’on qualifie souvent de « décoratives », mais qui n’ont pas oublié sa fascination pour les grandes obscurités de Vélasquez. Son attachement à la ALPHONSE OSBERT nature qu’il ne cessait de parcourir lui apprit le goût et l’art des transparences qui ne sont pas limpidité : il s’agissait pour lui de découvrir le moyen de traduire la lumière passant à travers le filtre des feuillages et scintillant sur le sol. La lumière est chez lui, plus que chez bien d’autres, un élément de transmutation du réel, même si celle-ci le conduit à penser cette lumière toujours au-delà du monde, au lieu de la puiser dans les profondeurs du réel, comme chercheront à le faire les générations suivantes ; les avant-gardes dont il sera témoin à la fin de sa vie éveilleront sa curiosité, mais il ne les comprendra pas. Ce que la mise en contact des œuvres de Marie Noël et d’Alphonse Osbert révèle, c’est une sorte de communication des ombres et des lumières par leurs profondeurs : là où certains éclairages crus tuent la lumière, et où certains noirs dissipent la richesse de l’obscurité, il faut du génie pour révéler la lumière par l’obscur et l’opaque dans la transparence ; or, c’est sans doute ce génie-là que les deux artistes ont reçu en héritage sous la forme d’un désir sans cesse réinvesti. À la violence d’une Marie Noël cherchant à faire briller l’ineffable innocence de Dieu à travers le drame de l’existence humaine répond, chez Alphonse Osbert, la douceur d’une ombre du monde transparaissant toujours sous le bord des lumières divines.
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