NOEL_OSBERT

7 6 PRÉFACE Marie Noël et Alphonse Osbert sont deux artistes nés dans les dernières décennies d’un siècle qui voyait surgir, hébété, une sorte de nouvelle Renaissance. Alphonse Osbert étant de vingt-six ans l’aîné de Marie Noël, il naquit avec les prémices de l’impressionnisme ; Marie quant à elle, vit le jour alors que ce même mouvement commençait déjà à s’essouffler, appelant d’autres révolutions d’avant-gardes qui n’allaient pas tarder à surgir, toutes plus vigoureuses les unes que les autres. Faire le choix de situer la poétesse d’Auxerre et le peintre parisien dans ce flux des avant-gardes c’est sans doute les réunir, au-delà de leur adhésion à une foi commune, dans une quête commune qui n’était pas seulement la leur : celle de la lumière. Si l’impressionnisme n’est pas la naissance de cette quête, ses promoteurs lui font franchir l’une des étapes les plus décisives de l’histoire en peignant en bleu ce pan de tissu blanc, parce que la lumière le fait apparaître en bleu. Cette remise en cause des conventions réalistes allait avoir des répercussions considérables sur le rapport au réel, et chacun à leur manière, Marie Noël et Alphonse Osbert allaient en être les héritiers et les continuateurs. Le réel d’une existence, d’un amour, d’une foi et d’un élan vers Dieu devait-il nécessairement passer par une recomposition forcée du réel affirmant dans tous les domaines que « ce tissu étant blanc, on doit le peindre en blanc »? En ayant appris que l’on pouvait faire vibrer le blanc dans une touche de bleu, ils allaient, dans leurs mots et leurs coups de pinceau, ouvrir l’accès à la lumière dans des ombres qu’il ne fallait plus seulement chasser. Dans le siècle suivant, traumatisé par la violence des guerres et des dictatures qui démolirent en quelques décennies le grand idéal d’un progrès promettant l’avènement d’un bonheur universel, la voix de Marie Noël montait, fragile comme le chant d’une fauvette depuis les ombres épaisses d’un jardin clos dans lequel rôdait le grand malheur de la désillusion. Depuis cette ombre dont il avait fait sa demeure pour en tirer la lumière, ce chant rappelait que la grandeur de l’homme est dans sa soif, et que la foi chrétienne n’avait jamais été une fuite de l’ombre, des peurs ou de la mort, mais un affrontement permanent, une lutte au corps à corps avec ces réalités qui assèchent la vie, mais ne peuvent éteindre la soif dans laquelle elle se régénère. C’est ce chant de la soif qui faisait vibrer les formes et les couleurs dans lesquelles Alphonse Osbert tentait de rendre ce monde à lui-même, et c’est ce même chant qui est aujourd’hui susceptible de réveiller en nous la dignité et l’estime des déserts. Arnaud Montoux

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