Préface Sʼattaquer à l’Everest qu’est le chapitre 13 de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens n’est pas donné à tout le monde. Thérèse de Lisieux, lorsqu’elle glosa le passage et en fit voir, en plus de la force incandescente, les vertus consolantes, révéla à une époque qui l’avait oublié – jusque dans bien des paroisses – que l’essentiel n’était ni dans la morale, ni dans les rites, ni dans aucune de nos actions ou règles humaines, mais dans l’unique origine de tout bien : l’amour. Car notre créateur est amour, et c’est comme lui qu’il nous appelle à vivre. Là est l’unique voie possible du bonheur. L’Amour nous a créés par amour et pour l’amour : il ne connaît rien d’autre. Telle est notre condition. Hélas l’homme seul, alourdi par le péché, est incapable d’un tel amour. Il en ignore les dimensions, puisque contrairement à l’intelligence humaine, l’amour est sans limites. D’où la nécessité pour saint Paul, à la fin du chapitre 12 et tout au long du chapitre 13 de la première lettre aux Corinthiens, d’en chanter les louanges, dans un chef-d’œuvre de théologie, de poésie et de pragmatisme que la tradition a retenu sous le nom « hymne à l’Amour ». Cet amour qu’il convient de chanter, c’est bien l’agapè, la charité, l’amour de Dieu, l’amour qu’est Dieu – Dieu lui-même. Les versets de saint Paul, ainsi, forment un « portrait de Jésus », selon le mot de Pierre-Marie Varennes. Et cet Amour surnaturel, auquel l’auteur met une majuscule pour le distinguer non seulement de nos sentiments éphémères mais aussi de nos actes toujours imparfaits, est bel et bien – c’est là qu’est l’abyssal enjeu de la vie chrétienne – notre unique horizon et notre seule espérance. Mais il est aussi notre force dès ici-bas, dans la mesure où la grâce nous est donnée par l’Amour en personne dans l’unique but d’aimer. La grâce n’annulant toutefois pas la nature, c’est à travers notre imparfaite liberté et nos actes bancals que, peu à peu, se déploiera dans notre vie, si nous le décidons, la vie même du Christ. Vie de l’amour trinitaire en notre humanité. « Car l’Amour a un visage », note Pierre-Marie Varennes en une puissante formule. Voici le cœur de la vie chrétienne. Voici le christianisme. Et c’est bien ce que l’auteur s’attache à redire dans ce livre dont le mode d’expression premier n’est certes pas le discours moral, mais la beauté. Car la voie de la beauté est aussi celle de l’amour. La beauté attire à l’amour et, par une mécanique extraordinaire, y maintient celui qui aime : plus l’on voit la beauté de l’autre, plus on l’aime ; plus on l’aime, plus l’on voit sa beauté. D’où la place laissée, dans les pages qui suivent, conformément à ce qui fait l’identité profonde de Magnificat, à l’art. La grande création artistique, en effet, les œuvres permises par la grâce du génie déployée dans le travail de l’homme, parlent de Dieu et de l’Amour selon un langage quasi-transcendant, auquel il est bon de livrer son esprit et ses sens humains, à la frontière de l’ineffable. C’est de cela que nous parlent Monet et Chagall aussi bien que les artistes du Moyen Âge. L’une des particularités les plus marquantes du livre de Pierre-Marie Varennes, enfin, outre son magnifique et novateur commentaire de l’hymne à l’Amour, verset par verset, pour en révéler le suc, c’est-à-dire les significations méconnues et les implications concrètes, est à discerner dans la place faite à l’amour humain dans sa réalité conjugale. Si l’hymne à l’Amour est la « magna carta de la civilisation de l’amour » (Jean-Paul II), l’auteur suggère ici combien elle est a fortiori celle de tout mariage chrétien, où le commandement de l’amour est appelé à se déployer dans l’humilité du quotidien ainsi que dans les grandes choses, pour s’épanouir sans cesse, malgré les épreuves et la fatigue du temps, à l’intime de l’intime de deux êtres. Et c’est ainsi que Splendeurs de l’amour se veut aussi, selon les mots de son auteur, « un éclairage particulier qui mette en lumière la manière spécifique par laquelle les chrétiens unis par le mariage sont appelés à parcourir, ensemble, “la voie par excellence” (saint Paul) qui est celle de l’Amour ». Son texte est encore, entre bien d’autres choses, une vigoureuse invitation à nous convertir, c’est-à-dire à nous aimer entre frères humains. Sur ce point, il ne faut jamais désespérer, car « tout est possible à l’Amour toutpuissant qu’est Dieu ». Ainsi seulement serons-nous d’authentiques chrétiens, ainsi seulement annoncerons-nous la vie et le bonheur de façon crédible. Ainsi seulement, comme Jésus nous l’a enseigné, parlera-t-on de l’Amour au monde. Jean de Saint-Cheron
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