TheophileCathedraleFlipbook

Bruno voyait que Tristan était triste. Il avait perdu sa femme, Douceline, un an auparavant, morte en donnant naissance à leur septième enfant. Depuis, Tristan était inconsolable. Toutes ses sculptures étaient empreintes de cette insondable tristesse. Ce jour-là, un samedi, Tristan termina de sculpter le visage de l’ange. Il avait un air profondément mélancolique... - Ce n’est pas possible, se dit Bruno. Un ange qui voit le Seigneur ne peut pas être aussi triste ! Il faut faire quelque chose. Le lendemain, dimanche, jour de congé pour tous les ouvriers du chantier, Bruno se leva avant l’aurore. Il prit discrètement quelques outils dans le coffre de son maître : des ciseaux, un maillet, une gradine à bout dentelé, une lime à polir, et il grimpa sur l’échafaudage de bois qui permettait d’atteindre les statues, à quelques mètres du sol. Il s’approcha du visage de l’ange et se mit à sculpter la pierre tendre. Il la creusa avec mille précautions. Un petit coup de ciseau au coin des yeux, un autre aux commissures des lèvres... avant de la polir avec soin. Voilà ! Bruno se redressa et contempla son travail. Il était satisfait. Le visage de l’ange était éclairé d’un énigmatique sourire. Lorsque Tristan se rendit à la messe dans une chapelle latérale, il passa devant le portail nord. Soudain, son œil fut attiré par un regard qui se posait sur lui avec malice. Il regarda vers les statues du portail et vit son ange qui semblait le fixer de ses yeux rieurs. Tristan manqua de tomber à la renverse. Quoi ! Son ange souriait ! - Mais comment est-ce possible ? se demande le tailleur en se frottant les yeux. Je dois rêver... Il fit quelques pas à droite, puis à gauche, mais il dut se rendre à l’évidence, c’était bien son ange qui le regardait avec un bon sourire. Tristan sentit alors monter dans ses yeux des larmes impossibles à arrêter. Elles coulèrent sur ses joues en grosses gouttes salées qui glissaient le long de ses rides. Il n’était pas triste pourtant ! Quelle curieuse impression... Chaque larme semblait lui enlever un poids du cœur, comme si l’ange le consolait. - Suis-je bête ! se dit le tailleur de pierre en essuyant ses larmes avec sa manche. Comment peut-il me consoler, il est en pierre. Oh ! Le tailleur de pierre savait pourtant qu’une statue était bien plus que 33 N° 0 /

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