Vivre la prière en famille

Père Arnaud Toury Vivre la prière en famille Bénir – Prier – Célébrer Préface de Mgr de Moulins-Beaufort Magnificat

Directeur de la rédaction : Pierre-Marie Varennes Directeur adjoint de la rédaction : Romain Lizé Direction éditoriale : David Gabillet Éditrice : Claire Stacino Auteur : Père Arnaud Toury Conception et mise en page : Solange Bosdevesy Iconographe : Isabelle Mascaras Rédactrice-réviseuse : Sœur Anne-Cécile Rupied Fabrication : Thierry Dubus, Audrey Bord © AELF Paris, 2015, pour les textes liturgiques et bibliques. © L.E.V., pour les extraits des textes du Magistère. © Éditions du Cerf pour les psaumes avec des enfants. © Magnificat SAS, 2022, pour l’ensemble de l’ouvrage. Tous droits réservés pour tous pays.MDS : MT21734. N° d’édition : MGN22010. Dépôt légal : avril 2022. Achevé d’imprimer enmars 2022 par Sepec en France. « Cet ouvrage est imprimé grâce à des encres à base d'huile végétale,garantissant la démarche de dévelopemment durable de l'éditeur et de l'imprimeur » N° autorisation SECLI : 2021052 ISBN : 3760283221734 Magnificat SAS 57, rue Gaston Tessier – CS 50061 – 75166 Paris Cedex 19 www.magnificat.fr Tous droits réservés pour tous pays. Couverture : Le Christ et les enfants (1910), Maurice Denis (1870-1943), collection privée. © Bridgeman Images.

3 Préface Ce petit livre honore son titre. Il ne cherche pas à discourir, à disserter. Il peut être bon de parler de la prière, il est meilleur encore d’aider à prier, car prier est un acte que l’on choisit et une action dans laquelle on se laisse entraîner, qui nous dépasse en quelque sorte et nous rend plus grands que nous-mêmes. Prier en famille est souvent un défi. Un peu ou beaucoup, cela revient à s’exposer devant les autres et des autres avec lesquels on vit au jour le jour. C’est montrer un peu sa confiance, son espérance, sa supplication, sa facilité ou sa difficulté à s’intérioriser, à écouter, à se laisser atteindre par une parole, à accepter et supporter le silence. Le père Arnaud Toury propose un manuel : un livre qui tient dans la main, un livre qui conduit par la main. Il propose, il suggère, comme un grand frère qui a un peu plus d’expérience du chemin que ses lecteurs. Au passage, il répond à des questions importantes. Il le fait sans lourdeur, sans hauteur, très simplement, comme on écarte une pierre ou on signale un trou pour permettre à celles et ceux qui suivent d’avancer plus en sécurité. Pour autant, il ne propose pas un livre de recettes. Il ouvre plutôt une gamme de possibilités où chacun, selon sa place dans la famille, sa responsabilité ou son goût, pourra choisir l’expérience qui lui paraît la mieux adaptée, la mieux susceptible de rassembler les membres de la famille devant Dieu, en Dieu, pour Dieu, en vue d’une plus grande charité. Prenez donc ce livre avec confiance. Et surtout, osez prier. Soyez sûrs que tout pas sur le chemin de la prière est prière, est déjà prier. Prier un peu, prier beaucoup : prier, c’est vivre plus intensément. Prier en famille, c’est permettre à la famille de devenir elle-même : des personnes en communion. + Éric de Moulins-Beaufort Archevêque de Reims

4 Introduction Le livret que voici n’est pas un simple recueil de prière pour les familles. Il trace un itinéraire de spiritualité familiale, un accompagnement priant, balisé de propositions concrètes, pour permettre à notre famille de cheminer avec le Christ. À qui s’adresse ce livret ? Les propositions qui sont faites ici sont destinées à la famille au sens large : un couple, avec ou sans enfant ; un père ou une mère élevant seul ses enfants ; un foyer où l’on prend en charge ses vieux parents ; une famille qui accueille des amis de passage… « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » (Mt 18, 20) « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin de monde. » (Mt 28, 20) Ces promesses du Seigneur nous donnent l’assurance que notre famille, telle qu’elle est aujourd’hui, lorsqu’elle se tourne vers lui dans la foi, l’espérance et l’amour, peut être le lieu de sa présence et de sa manifestation.

5 « Si la famille parvient à se concentrer dans le Christ, il unifie et illumine toute la vie familiale. Les douleurs et les angoisses sont vécues en communion avec la Croix du Seigneur […]. Les moments de joie, le repos ou la fête, et même la sexualité, sont vécus comme une participation à la vie pleine de sa Résurrection. » Amoris lætitia, n° 317 Comment utiliser ce livret ? Il est possible de le parcourir étape par étape pour découvrir toutes lespossibilitésd’enrichir spirituellement notre vie familiale. On peut également y piocher selon nos besoins telle ou telle idée. Dans tous les cas, il convient d’adapter ces propositions à notre famille, selon sa composition et son vécu. Il est important de tenir compte de la diversité des âges et des sensibilités spirituelles, pour qu’une démarche spirituelle ne soit pas vécue comme un exercice ou une corvée, mais bien comme un temps d’ouverture et d’enrichissement mutuels, avec le Seigneur.

6 Prier en famille, c’est possible ? Il est vrai que prier ensemble ne va pas de soi. Cela suppose d’abord de s’ajuster les uns aux autres, pour permettre à chacun de trouver sa place, toute sa place et rien que sa place. C’est encore plus difficile lorsque la communauté que nous formons est composée de personnes d’âges très différents. Dans sa première lettre aux Corinthiens, saint Paul compare la communauté des croyants aux membres du corps humain. Et il pose les principes qui peuvent nous aider à vivre la prière dans notre famille : Le corps humain se compose non pas d’un seul, mais de plusieurs membres. Le pied aurait beau dire : « Je ne suis pas la main, donc je ne fais pas partie du corps », il fait cependant partie du corps. L’oreille aurait beau dire : « Je ne suis pas l’œil, donc je ne fais pas partie du corps », elle fait cependant partie du corps. Si, dans le corps, il n’y avait que les yeux, comment pourraiton entendre ? S’il n’y avait que les oreilles, comment pourrait-on sentir les odeurs ? Mais, dans le corps, Dieu a disposé les différents membres comme il l’a voulu. S’il n’y avait en tout qu’un seul membre, comment cela ferait-il un corps ? En fait, il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi » ; la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous ». Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu. Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les

7 membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. 1 Co 12, 14-27 Saint Paul commence par affirmer que chacun reçoit la manifestation de l’Esprit Saint en vue du bien de tous. Ainsi on ne peut négliger personne, et chacun est important. Il convient donc de le rappeler toujours avant de commencer à prier ensemble. Il dit ensuite que les membres du corps les plus délicats sont indispensables. Donc les tout-petits et les très âgés sont nécessaires. Il faut même les traiter avec plus d’attention. On doit donc prendre soin de laisser à chacun la possibilité de s’exprimer, selon ses capacités et son souhait. Dans notre famille, la forme de la prière et sa durée seront sans cesse à adapter à la situation du moment. Il faut renoncer à vouloir absolument faire rentrer tout le monde dans le même cadre et tout le temps. Certains jours, tous seront bien disposés ; d’autres fois, de l’énervement ou de la fatigue nous amèneront à décider de prier sous une forme abrégée. Il est important de ne pas chercher à vivre dans la prière en famille ce que l’on veut vivre dans la prière personnelle. Pareillement, même si on parle aujourd’hui de liturgie domestique, il ne faut pas viser dans les célébrations en famille la même solennité que dans la liturgie en paroisse. Il s’agit là de modalités de prière bien différentes. Comme dans les repas que nous partageons chaque jour, il faut veiller à varier les menus. Bien sûr, il y a la forme de prière que l’on préfère (comme les pâtes au jambon), mais il n’est pas bon de tomber dans la routine. Il est bien, de temps en temps, de goûter des choses nouvelles…

Les obstacles à la prière Pour commencer à prier en famille, il est nécessaire de commencer par enlever les obstacles qui nous empêchent de prier. Le principal obstacle à la prière, c’est notre manière de croire à la prière. Croyons-nous vraiment à la prière ? Reconnaissons qu’il y a un recoin de notre tête où l’on imagine la chose suivante : Dieu est derrière un grand mur ; il ne nous voit pas et il est un peu sourd ; alors il faut crier très fort, et plusieurs fois, pour attirer son attention et qu’il s’intéresse à nous. Nous crions, nous crions, mais nous sommes rarement exaucés comme nous le voulions. Dieu aurait-il mal entendu ou mal compris ? Serait-il indifférent à nos malheurs ? Jésus est plutôt sévère sur cette façon de concevoir la prière : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé » (Mt 6, 7-8). Un autre obstacle vient de notre façon de penser à la prière et de parler d’elle. On dit : « il faut faire sa prière… réciter ses prières… » Il y a une manière d’aborder la prière qui la fait curieusement ressembler à un exercice de maths, ou à un devoir de poésie. Ce n’est probablement pas le meilleur moyen de la rendre attirante. Surtout après une journée d’école ou de travail ! Cela laisse croire que pour prier, il faut bien se concentrer et ne pas se laisser distraire. Alors nous faisons la chasse aux bruits, à tout ce qui pourrait nous déranger. Et, en général, les premiers à nous déranger, ce sont les autres… Nous confondons la concentration et le recueillement. La concentration, c’est une action cérébrale et nerveuse, une focalisation de toute notre attention sur une seule chose, ici penser à Dieu. Le recueillement, c’est une action du cœur, le recueil de toutes les belles choses que nous voulons présenter à Dieu, comme un bouquet. La concentration ne vise pas une relation. Le recueillement nous tourne vers l’autre. Jésus nous parle avec précision de la prière comme d’une relation privilégiée avec le Père : « Toi, quand tu pries, retiretoi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret » (Mt 6, 6). 8

9 Qu’est-ce que la prière ? La prière est donc une relation. Et il nous faut immédiatement déplacer notre regard vers Dieu lui-même, car il est la source de la prière. Nous, les chrétiens, nous croyons que Dieu est tout entier un être de relation. C’est ce que nous appelons la Trinité. Dieu est Père et Fils et Saint-Esprit. Cela signifie qu’il est l’Amour : le Père donne tout ce qu’il est à son Fils ; le Fils donne tout ce qu’il est à son Père ; le Saint-Esprit est la totalité de ce don entre le Père et le Fils. C’est cela l’Amour. La prière, c’est cet échange-là : le Père se confie totalement à son Fils ; et le Fils se confie totalement à son Père ; et l’Esprit Saint est cette confiance, cette foi sans limite. On pourrait dire autrement que le Père prie son Fils de le recevoir tout entier et que le Fils lui répond par la même prière : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46). La prière, c’est le pouvoir qu’a Jésus de déposer sa vie et de la recevoir de nouveau : « Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10, 17-18). Cela vient considérablement remettre en cause nos représentations de la prière. La prière n’est pas notre œuvre, mais l’œuvre de Dieu en nous1. Cette manière de concevoir la prière vient nous décentrer totalement : ce n’est pas nous qui faisons la prière, mais Dieu en nous. Saint Paul le dit très bien : l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables (Rm 8, 26). Dieu est le premier à intercéder pour l’homme: le Père intercède auprès du Fils pour qu’il nous rejoigne jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1) ; le Fils intercède auprès du Père pour qu’il nous arrache à la mort (cf. Jn 11, 41-42) ; l’Esprit intercède en nous et 1. En latin, on appelle opus Dei la prière de la liturgie des Heures, ce qui signifie « l’œuvre de Dieu ».

10 nous associe à cette prière du Père et du Fils: « Que ton règne vienne. » Dieu, en son Fils, nous a montré qu’il est le premier à se mettre à genoux pour que l’homme soit relevé (Jn 13, 3-5). Il s’agit donc moins de « faire sa prière » que d’accueillir la prière de Dieu en nous. Ou pour le dire autrement, de l’abriter en nous et de l’habiter. Jésus nous le fait comprendre au soir du Jeudi saint : « Demeurez en moi, comme moi en vous… Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour » (Jn 15, 4.9). Prier, c’est entrer dans cette relation d’amour qui est entre le Père et le Fils. Prier, c’est vivre cette qualité de relation qui est le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi (Ga 5, 22-23). Voilà tout ce qu’il nous faut demander dans la prière. Car prier, c’est demander avec confiance : « Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira. Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11, 9-13). Qu’est-ce qu’une « bonne prière » ? Nous comprenons donc que nos critères pour évaluer notre prière personnelle et commune sont souvent inappropriés : respect du déroulement et des formules, absence de distractions, etc. Nous sommes de très mauvais juges de nous-mêmes et des autres. Ce qui fait la qualité de notre prière, c’est l’amour que nous y mettons. Ce qui implique nécessairement que la prière résulte de notre liberté et de notre désir. Car si l’amour est un commandement, il n’est pas un ordre: nul ne peut être obligé à aimer. Le commandement de l’amour est une route tracée vers la vie éternelle, qui est d’aimer: « Tu aimeras… » (Mc 12, 30-31). Et ce qui favorise l’amour, c’est l’écoute : « Écoute… tu aimeras » (Mc 12, 29.30). La qualité d’une prière commune

11 repose donc essentiellement sur l’écoute mutuelle. C’est-àdire sur le respect et l’attention prêtée à la parole de chacun. La qualité de notre prière est difficilement discernable sur le moment. Elle est un arbre que l’on reconnaît à ses fruits. Et son fruit principal, c’est la charité, l’amour serviteur : « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout » (1 Co 13, 4-7). Le signe que notre prière est bonne, c’est-à-dire ajustée à Dieu, nous sera donné à mesure que grandiront entre nous ces dimensions de l’amour. Cela se fera progressivement, discrètement, doucement.

Qu’elle est donc grande la puissance de la Prière ! On dirait une reine ayant à chaque instant libre accès auprès du roi et pouvant obtenir tout ce qu’elle demande. Il n’est point nécessaire pour être exhaussée de lire dans un livre une belle formule composée pour la circonstance ; s’il en était ainsi… hélas ! que je serais à plaindre ! En dehors de l’office Divin que je suis bien indigne de réciter, je n’ai pas le courage de m’astreindre à chercher dans les livres de belles prières, cela me fait mal à la tête, il y en a tant ! et puis elles sont toutes plus belles les unes que les autres… Je ne saurais les réciter toutes et ne sachant laquelle choisir, je fais comme les enfants qui ne savent pas lire, je dis tout simplement au Bon Dieu ce que je veux lui dire, sans faire de belles phrases, et toujours Il me comprend… Pour moi, la prière, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie ; enfin c’est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus. Sainte Thérèse de Lisieux, manuscrit C, 25rv

13 Partie I Le Seigneur se rend présent à notre famille « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » Mt 18,20 Notre famille, lorsqu’elle se réunit pour prier, pour chanter, pour partager la parole de Dieu, pour y donner et recevoir le pardon, est bien un des lieux où le Seigneur se rend présent, comme il nous l’a dit. C’est lui qui veut nous rejoindre et communier à notre vie. Et, ce faisant, il vient nous appeler à la communion avec lui et entre nous. Il nous revient de l’accueillir ensemble, et chacun, avec un cœur libre, large et généreux.

14 La présence du Seigneur se manifeste dans la famille réelle et concrète, avec toutes ses souffrances, ses luttes, ses joies et ses efforts quotidiens. Lorsqu’on vit en famille, il est difficile d’y feindre et d’y mentir ; nous ne pouvons pas porter un masque. Si l’amour anime cette authenticité, le Seigneur y règne avec sa joie et sa paix. La spiritualité de l’amour familial est faite de milliers de gestes réels et concrets. Dans cette variété de dons et de rencontres qui font mûrir la communion, Dieu établit sa demeure. Ce don de soi associe à la fois « l’humain et le divin », car il est plein de l’amour de Dieu. En définitive, la spiritualité matrimoniale est la spiritualité du lien habité par l’amour divin. Amoris lætitia, n° 315

15 PARTIE I Aménager un espace Il s’agit donc pour notre famille de lui faire de la place, et pour cela de lui faire une place. Aménager chez nous un espace de prière n’est pas anodin. Cela signifie concrètement pour nous, et pour ceux qui entrent dans notre maison, qu’il est le compagnon de notre famille. Le lieu de prière que nous pouvons aménager doit à la fois être aisément accessible et un peu à part, identifiable et discret, ouvert et intime. Il y a donc un équilibre à trouver. Peutêtre cela demande-t-il dans un premier temps d’être un peu nomade, et d’essayer différents endroits. Il convient aussi que notre lieu soit aménagé de façon assez confortable pour tous, selon l’âge et la taille de chacun. Il faut chercher à ce que chacun sente bien que ce lieu est pour lui. Ainsi il est bon de demander à chaque membre de notre famille de contribuer à sa disposition et à sa décoration. On veillera, en particulier, à ce que les plus jeunes aient pu y mettre leur touche personnelle. Croix, icône, statuette, bible, objet pieux…: il n’y a pas de règle à suivre obligatoirement quant aux éléments à disposer. La décoration doit toutefois être faite en fonction de certains critères : pas de surcharge (il faut laisser de la place pour que l’Esprit Saint puisse nous inspirer) ; une noble simplicité, qui évoque à la fois la présence de Dieu, notre vie humaine, la beauté de la création. Ici encore, il peut être bon que chacun apporte un peu de lui-même dans les objets disposés dans ce lieu. L’aménagement de notre lieu de prière pourra varier dans le temps. D’abord selon les temps liturgiques : durant l’Avent, il doit être assez dépouillé et pouvoir, éventuellement, accueillir la crèche en train de se remplir peu à peu de ces personnages ; au temps de Noël, avec la crèche achevée, il doit devenir plus lumineux et joyeux ; pendant le Carême, il sera très dépouillé, quasiment réduit à ses éléments minimums ; pour le temps

16 pascal, il sera très beau et solennel ; pour le temps ordinaire, il retrouvera sa forme habituelle. Il évoluera aussi au cours de la vie de notre famille, notamment avec les enfants grandissants, pour correspondre davantage au goût de chacun. L’aménagement de ce lieu de prière commun n’est pas incompatible avec la réalisation d’un coin prière dans les espaces individuels (chambre ou bureau). Il s’agit d’une proposition différente parce que délibérément commune. La prière en famille est un moyen privilégié pour exprimer et renforcer [la] foi pascale. On peut réserver quelques minutes chaque jour afin d’être unis devant le Seigneur vivant, de lui dire les préoccupations, prier pour les besoins de la famille, prier pour quelqu’un qui traverse un moment difficile, afin de demander de l’aide pour aimer, rendre grâce pour la vie et pour les choses bonnes, pour demander à la Vierge de protéger par son manteau de mère. Par des mots simples, ce moment de prière peut faire beaucoup de bien à la famille. Les diverses expressions de la piété populaire sont un trésor de spiritualité pour de nombreuses familles. Amoris lætitia, n° 318

17 PARTIE I Ouvrir son cœur Il ne s’agit pas seulement d’aménager un espace physique dans notre maison, mais bien un espace intérieur dans nos cœurs. Cela demande de la délicatesse et de la patience. Mais aussi de prendre de petits moyens pour aider à cela : • créer une ambiance un peu tamisée, qui favorisera le recueillement et l’intériorité ; • laisser de la place au silence ; lorsqu’il est difficile à obtenir en nous et entre nous, une musique douce peut y aider ; • allumer une bougie. Certains enfants réclament de pouvoir le faire : il peut être bon d’établir un roulement officiel pour cela, en incluant dedans chacun des membres de notre famille, petits et grands, adultes compris, qui donneront à voir que devant Dieu nous avons la même dignité (on peut également le proposer à un invité de passage). Pendant le Carême, nous pouvons ne pas le faire, pour retrouver avec plus de force la symbolique de la lumière de Pâques. On peut accompagner ce moment par un chant sur la lumière (Joyeuse lumière, Peuple de lumière, Lumière des hommes, etc. Voir annexe n° 3, page 131.)

18 Entrer dans la prière Pour prier ensemble, il est indispensable que soit établie une structure rituelle assez stable, qui permette à chacun de s’y retrouver. Bien sûr, notre famille peut inventer sa propre manière de vivre la prière. Elle peut aussi s’appuyer sur des formes de prière portées dans la tradition de l’Église. Quelle que soit la forme de prière, il est important de soigner le début de la prière : prendre le temps de s’installer de manière suffisamment confortable, marquer par un beau signe de croix le commencement, prendre le temps de se mettre en présence du Seigneur, inviter chacun à s’ouvrir à ce que Dieu veut nous donner, etc. Une entrée dans la prière faite à la va-vite risque fort de conduire à une pratique formelle et peu fructueuse. La prière d’alliance Cette forme de prière peut se faire individuellement ou ensemble. Elle n’a pas de durée déterminée, mais doit être assez brève pour ne pas être vécue comme contraignante. Nous pouvons en suivre les différents moments constitutifs en les comptant sur les doigts de la main : La prière d’alliance Me voici Merci Pardon Je t’aime S’il te plaît

19 PARTIE I Sur le pouce, « Me voici » : ce doigt montre ce qui doit être fait en premier, c’est se présenter. Après avoir fait le signe de croix, il s’agit de venir à la rencontre du Seigneur tels que nous sommes. C’est une manière de dire au Seigneur et à ses proches quelque chose de sa météo intérieure : « Me voici, Seigneur : ce soir, je suis assez fatigué » ; « Me voici avec plein de joie dans le cœur » ; « Me voici avec mon inquiétude pour demain » ; « Me voici tout excité par les événements de la journée » ; etc. Sur l’index, « Merci » : ce doigt qui indique la direction principale de la prière nous redit que l’essentiel de la prière, même lorsqu’on n’a que deux minutes, c’est l’action de grâce. Il est important, chaque jour, de chercher dans notre vie les raisons que nous avons de dire merci : Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toutes circonstances : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus (1 Th 5, 16-18). Cela nous empêchera de nous abandonner à la critique perpétuelle, au ronchonnement, ou à la tristesse entretenue. Ces mercis peuvent concerner des choses toutes simples et banales comme des merveilles. Sur le majeur, « Pardon » : ce doigt qui pourrait vite se croire plus important que les autres parle de nous. Apprendre à vivre le pardon est un travail de longue haleine, un chemin de patience avec soi-même et les autres. On se rappellera qu’il ne s’agit pas toujours de demander pardon parce qu’on a eu tort, mais parce qu’on a blessé, même sans le vouloir. On veillera également à ce que le pardon donné ne soit pas un déni du mal qu’on nous a fait. Pardonner, c’est toujours distinguer une personne de ses actes, de ses paroles, de ses attitudes. « Ce que tu m’as dit m’a fait mal, mais je sais que tu vaux mieux que cela et je t’aime. » Sur l’annulaire, « Je t’aime » : ce doigt qui porte l’alliance nous rappelle que Dieu a fait alliance avec nous pour toujours. En retour, nous pouvons laisser monter de nos cœurs notre louange : « Seigneur, tu es merveilleux » ; « Tu es le Dieu de tendresse et de bonté » ; « Tu es mon rocher, j’ai confiance en toi », etc. Sur l’auriculaire, « S’il te plaît » : notre petit doigt nous a dit d’écouter et de faire attention aux autres. Il nous aide à ouvrir notre prière sur notre entourage, sur le monde et sur

20 l’Église : « S’il te plaît, Seigneur, prends soin de mon cousin qui est malade » ; « Seigneur, viens soutenir le pape pour qu’il ne soit pas découragé » ; « Regarde, Seigneur, tous les enfants qui souffrent dans le monde », etc. On conclut cette prière d’alliance par un signe de croix, ou bien le Notre Père et un signe de croix. En famille il est nécessaire d’utiliser trois mots. Je veux le répéter, trois mots : permission, merci, excuse, Trois mots-clés ! Quand, dans une famille, on n’est pas envahissant et que l’on demande « s’il te plaît », quand, dans une famille, on n’est pas égoïste et que l’on apprend à dire « merci », quand, dans une famille, quelqu’un s’aperçoit qu’il a fait quelque chose de mal et sait dire « excuse-moi », dans cette famille il y a la paix et la joie. Ne soyons pas avares de ces mots, soyons généreux à les répéter jour après jour, parce qu’ils sont pénibles certains silences, parfois en famille, entre mari et femme, entre parents et enfants, entre frères. En revanche, les mots adéquats, dits au bon moment, protègent et alimentent l’amour, jour après jour. Amoris lætitia, n° 133

105 Annexe n°1 Les grandes prières de l’Église

106 Notre Père Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal. Amen. Je vous salue Marie Je vous salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Amen. Prière à saint Joseph du pape François Salut, gardien du Rédempteur, époux de la Vierge Marie. À toi Dieu a confié son Fils ; en toi Marie a remis sa confiance ; avec toi le Christ est devenu homme. Ô bienheureux Joseph, montre-toi aussi un père pour nous, et conduis-nous sur le chemin de la vie. Obtiens-nous grâce, miséricorde et courage, et défends-nous de tout mal. Amen.

117 Annexe n°2 Psaumes complémentaires

118 Pas d’autre bonheur que toi Psaume 15 Garde-moi, mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge. J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu ! Je n’ai pas d’autre bonheur que toi. » Toutes les idoles du pays, ces dieux que j’aimais, ne cessent d’étendre leurs ravages, et l’on se rue à leur suite. Je n’irai pas leur offrir le sang des sacrifices ; leur nom ne viendra pas sur mes lèvres ! Seigneur, mon partage et ma coupe : de toi dépend mon sort. La part qui me revient fait mes délices ; j’ai même le plus bel héritage ! Je bénis le Seigneur qui me conseille : même la nuit mon cœur m’avertit. Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable. Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance : tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption. Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! A ta droite, éternité de délices ! Ou bien, avec des enfants : Seigneur, garde-moi ! Protège-moi ! Mon sort est dans tes mains, tu es la chance de ma vie ! Merci ! Tu me donnes des conseils, même la nuit. Tu es toujours devant mes yeux. Quand je te sens à côté de moi, à ma droite, je ne faiblis pas. Je ne tremble pas. Mon cœur est fou de joie. Mon âme est en fête. Même mon corps repose en confiance. Je suis ton ami.

140 Table des chants Titre Auteur © N° Secli Pages Dans le creux de nos mains Auteur Compositeur : J.-M. Vincent Studio SM ID362 134 Joyeuse lumière Auteur Compositeur : J. Gelineau Mame (Le Chalet) I17 134 Dieu est amour Auteur Compositeur : D. Ombrie Studio SM DEV116 135 Peuple de baptisés Auteur : J.-P. Lecot Compositeurs : P. Decha ; J.-P. Lecot Lethielleux (DDB) K106 136 Peuple de lumière Auteur : Ch. Singer Compositeur : J.-P. Kempf Studio SM T601 137 Nous sommes le corps du Christ Auteur : D. Rimaud Compositeur : J. Berthier Studio SM KD14-56-1 138 Bibliographie complémentaire : Prières avec les enfants, de Élie Maréchal, collection Foi vivante n°342, Éditions du Cerf, Paris, 1995 Psaumes pour nos enfants, de Marie-Odile BETZ © Éditions du Cerf, Paris, 1998.

141 Table des matières Préface ����������������������������� 3 Introduction ������������������������� 4 Prier en famille, c’est possible ? … …………………………… 6 Les obstacles à la prière … …………………………………… 8 Qu’est-ce que la prière ?… …………………………………… 9 Qu’est-ce qu’une « bonne prière » ? �������� 10 Partie I : Le Seigneur se rend présent à notre famille Aménager un espace … ……………………………………………… 15 Ouvrir son cœur … ……………………………………………………… 17 Entrer dans la prière … ……………………………………………… 18 La prière d’alliance … …………………………………………… 18 Écouter et partager la parole de Dieu … …………………… 21 Le dialogue contemplatif… …………………………………… 22 La méditation à partir de l’Écriture… …………………… 34 Propositions de méditation… …………………………………… 36 L’Annonciation… …………………………………………………… 36 Le songe de Joseph………………………………………………… 38 La Visitation…………………………………………………………… 40 La Nativité……………………………………………………………… 43 Jésus enfant…………………………………………………………… 45 Jésus adolescent… ………………………………………………… 48 Partie II : Notre famille accompagnée dans la prière Prier avec les saints… ………………………………………………… 52 Invoquer Dieu avec la Sainte Famille …………………… 52 Invoquer Dieu avec la Vierge Marie ……………………… 52 Invoquer Dieu avec saint Joseph … ……………………… 53 Invoquer Dieu avec ste Anne et st Joachim … ……… 53 Invoquer Dieu avec nos saints patrons ………………… 54 Invoquer Dieu pour nos défunts … ……………………… 54 Litanies des saints de notre famille……………………… 55 Avec l’Église en prière… ……………………………………………… 57

142 Forme simplifiée de la liturgie des Heures ������ 57 Prière du matin ���������������������� 59 Prière du soir ����������������������� 60 Prière du samedi soir ������������������ 62 Prière avant de dormir ����������������� 64 Prière pour les époux ������������������ 65 Partie III : Notre famille chemine dans la foi Fêter son baptême �������������������� 70 Schéma de célébration ��������������� 70 Habiter notre maison avec Dieu ������������ 74 Célébrer Pâques de pièce en pièce �������� 74 Vivre le pardon en famille ��������������� 80 Déployer l’eucharistie ������������������ 84 La bénédiction du repas �������������� 86 Si on célébrait le messe à la maison ? ������ 88 Faire mémoire de notre mariage ����������� 90 Schéma de célébration ��������������� 90 Relecture de notre projet de vie ���������� 92 Oraisons pour l’anniversaire de mariage ����� 94 Donner et recevoir la bénédiction ���������� 95 Petit rituel pour vivre la bénédiction chaque jour ���������� 95 Bénédiction de notre famille �������������� 96 Bénédiction des enfants ���������������� 98 Forme déployée ������������������� 98 Forme brève ���������������������� 99 Bénédiction des personnes âgées ����������101 Annexe n°1 : Les grandes prières de l’Église ������ 105 Annexe n°2 : Psaumes complémentaires ���������117 Annexe n°3 : Chants ���������������������132

143 Deux très beaux livres de prières quotidiennes pour aider les enfants à grandir dans la foi en fonction des temps liturgiques Mon coMpagnon vers noël Chaque jour de l’Avent : Une courte méditation, un passage commenté de la parole de Dieu, un temps de prière et des exemples d’intentions à lire lors de la prière en famille. Écrit par Charlotte Grossetête et magnifiquement illustré par Éric Puybaret 17 x 22 cm • relié avec un signet • 112 pages 14,90€

144Commandez sur www.magnificat.fr ou au 02 99 55 10 20 Mon coMpagnon vers pâques Chaque jour du Carême : Une courte méditation, un passage commenté de la parole de Dieu, un temps de prière et une proposition de petits pas vers Pâques à travers la prière, le partage ou le jeûne. Écrit par Charlotte Grossetête et magnifiquement illustré par Éric Puybaret 17 x 22 cm • relié avec un signet • 160 pages 14,90€

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