160 UNE VIE DE JESUS rayon de lumière jaillit au centre du côté gauche, illumine obliquement le milieu de la scène et va frapper la tombe de Lazare. Les personnages qui assistent au miracle, Marthe en contre-jour, Marie en pleine lumière, et des dignitaires juifs, sont subjugués. Sur l’axe vertical qui divise la composition, apparaît la figure de Jésus, un Jésus à visage humain, tout bouleversé encore, mais un Christ à la stature surhumaine : deux fois plus grand que les autres personnages, la main droite élevée magistralement, avec la force de Dieu, il ordonne à son ami de se relever. On ne peut trouver meilleure musique pour accompagner la contemplation silencieuse de ce tableau que le poème «Rembrandt », de Raphaël Alberti, ami de Picasso, sanglant épurateur communiste pendant la guerre d’Espagne mais poète souvent admirable : À la lumière ouvrit sa porte, la fit entrer dans les caves les plus profondes. Et là une voix pleine de mystère lui ordonna soudain : Combats, bataille au coude à coude, souffle à souffle contre le bâillement glacial des ombres ! Une pulsation, un murmure, un gémissement grandissant de couleur souterraine qui s’épand et envahit à tâtons, en aveugle. Des terres qui vont brûler, des noirs qui vont parler en un vagissement voilé, des verts chagrins, tremblant de peur dans les recoins. Ô flamboyante épée frappant soudain ! Nuit déchirée, impunément blessée, nuit revigorée par le sang qui suinte ombreux des grottes. Le monde s’illumine solitaire, sans un sourire, en quelque lieu. Humanité livide qui surgit, insomnieuse, étonnée, clouée sur place en un clin d’œil par l’éclair. 161 Jésus chez Marthe et Marie René Marie Castaing (1896-1943) 1924 pastel, travail préparatoire, 148 × 115 cm Pau, musée des Beaux-Arts Jésus avait des amis. Par exemple, Lazare et ses deux sœurs, Marthe et Marie, chez lesquels il venait volontiers s’installer quand il montait à Jérusalem. Un jour, Marthe se dédiait aux préparatifs du repas tandis que Marie écoutait Jésus. Marthe finit par dire à Jésus : «Tu pourrais dire à ma sœur de venir m’aider ! » Jésus lui répondit : «Marthe, Marthe, tu te préoccupes pour bien des choses, mais une seule compte. Marie a choisi la meilleure, elle ne lui sera pas enlevée. »
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