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159 Longtemps Rembrandt (1606-1669) conserva avec lui cette œuvre de jeunesse : criblé de dettes, il dut s’en séparer en 1656, un quart de siècle après l’avoir peinte. C’est que, ce qu’il avait représenté là, c’était le salut qu’il espérait au bout des situations humaines désespérées qu’il a trop souvent dû affronter : la mort incompréhensible, révoltante, d’un être cher, et puis d’un autre… Rembrandt avait le don de la compassion. Ce ne ressortissait pas chez lui à la sensiblerie, mais bien à une volonté d’imitation de Jésus-Christ donnant la plus grande preuve d’amour. Il était convaincu de cette vérité que les puissances du Mal ont pour motivation ultime de donner la mort à l’amour. Et qu’elles détiennent les moyens d’y parvenir. Car dans leur dessein malveillant, elles triomphent assurément, tragiquement, de toute velléité humaine – ô combien dérisoire ! – de faire vivre et survivre l’amour sur la croix de l’existence. Sauf qu’un homme, un homme que l’Évangile selon saint Jean décrit comme le plus humain des hommes, ami intime de Lazare, de Marthe et de Marie, un homme qui pleure à chaudes larmes son ami – « Voyez à quel point il l’aimait ! » s’exclament les témoins –, un homme tellement humain qu’il fond devant la souffrance de ceux qu’il aime ; et Rembrandt a tellement souffert d’être celui qui reste quand sa mère, son père, ses enfants, sa femme, ses amis ont été horriblement broyés par la maladie pour être mieux happés par la mort ; oui, les puissances du Mal triomphent toujours, sauf que cet homme-là, en pleurs, humain, si humain, dit soudain : « Je suis la résurrection et la vie. Quiconque croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jean 11,25). Et Rembrandt, qui a perdu tant d’êtres aimés, croit en lui. Le plus signifiant de son tableau, ce sont les effets de clair-obscur : la lumière qui déchire les ténèbres, l’amour qui irradie le mal plus fortement que la souffrance n’irradie la chair, la vie qui finalement triomphe de la mort. Un intense La Résurrection de Lazare Rembrandt (1606-1669) Vers 1630-1632 Huile sur bois, 96,4 × 81,3 cm Los Angeles County Museum of Art (LACMA) LA BIBLE ~ JN 11,17.32A.33.35-36.38-39A.41A.43-44 Jésus vint donc et trouva Lazare depuis quatre jours dans le sépulcre. Lorsque Marie fut arrivée au lieu où était Jésus, le voyant, elle tomba à ses pieds, et lui dit : «Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort.» Jésus la voyant pleurer, elle et les Juifs qui l’accompagnaient, frémit en son esprit, et se laissa aller à son émotion. Et il dit : «Où l’avez-vous mis ? — Seigneur, lui répondirent-ils, venez et voyez.» Et Jésus pleura. Les Juifs dirent : «Voyez comme il l’aimait !» Jésus donc, frémissant de nouveau en lui-même, se rendit au sépulcre : c’était un caveau, et une pierre était posée dessus. «Ôtez la pierre», dit Jésus. Ils ôtèrent donc la pierre ; et Jésus leva les yeux en haut et dit : «Père, je vous rends grâces de ce que vous m’avez exaucé.» Ayant parlé ainsi, il cria d’une voix forte : «Lazare, sors !» Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : «Déliez-le, et laissez-le aller.» Le village de Béthanie (sans doute l’actuel Al-Eizariya [Lazare, en arabe]) est décrit par l’évangéliste Jean comme une bourgade de Judée implantée à environ «quinze stades» grecs de Jérusalem – c’est-à-dire moins d’une demi-heure de marche –, en contrebas du mont des Oliviers. C’est là que résident Lazare et de ses deux sœurs, Marthe et Marie, amis intimes de Jésus. Jésus ressuscite son ami Lazare

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