Theo_10

Un peu delecture ! aux yeux clairs, accompagné d’un adolescent, aida Annette à en descendre. Son regard charmeur croisa celui de la jolie domestique. — Vous êtes mademoiselle Anne Boutiaud ? La jeune femme rougit : — Tout le monde m’appelle Annette. — Moi, c’est Victor Poulard, et voici le jeune Pierre. Je suis le ls du boulanger. Ça vous tente de partager une brioche ? proposa-t-il avec audace. Les jours, les semaines et les mois passèrent. Un jour, Victor demanda Annette en mariage. — Mon ami, dit madame Corroyer, le couple veut s’installer sur le Mont. Mais de quoi vont-ils vivre ? — On pourrait leur prêter de l’argent pour ouvrir un restaurant. — Qui viendra s’y restaurer ? Les pèlerins ont déserté les lieux depuis bien longtemps ! — Eh bien, nous les ferons revenir ! promit l’architecte. C’est ainsi que Victor et Anne Poulard ouvrirent leur premier restaurant. Grâce aux relations de monsieur Corroyer, les Parisiens commencèrent à a uer, fascinés par cette forteresse de granit, suspendue entre ciel et terre. De son côté, Eugénie, accompagnée de Pierre, décida un jour d’aller pêcher sur la baie. — Je veux rapporter un seau de crevettes pour Annette, décréta-t-elle. Absorbés, les adolescents ne virent pas le ciel s’assombrir et devenir menaçant. Soudain, un grondement lointain les t se redresser. — C’est la marée ! s’écria Pierre en apercevant la ligne argentée qui ondulait à l’horizon. Luttant contre le vent, les deux enfants rebroussèrent chemin. À chaque pas, Eugénie sentait l’eau clapoter avec un a reux bruit de succion. C’est comme si le sable mouillé voulait l’aspirer ! Une boue blanche se colla à ses pieds et nit par former deux gros blocs de plus en plus lourds. — C’est la tangue, expliqua Pierre. Derrière eux, la marée se rapprochait. — Plus vite ! la pressa-t-il, sinon, nous resterons coincés dans le sable et nous mourrons noyés ! Mais Eugénie glissa. — Ma jambe est coincée ! Je n’arrive pas à la dégager ! s’a ola-t-elle. — Remue lentement. Surtout, ne force pas, sinon tu vas t’enfoncer ! — Voilà, comme ça, l’encouragea-t-il en la faisant glisser sur le sable visqueux. et son omelette —C’est ça, le Mont-Saint-Michel ? Madame Corroyer ne put cacher sa déception. Son mari, architecte des monuments historiques, soupira. Il venait d’être nommé responsable de la restauration de l’abbaye. — Ma chère, c’est ce qu’il en reste après l’incendie de 1834. Et n’oubliez pas qu’avant, c’était une prison… Devant eux se tenait Eugénie, leur llette de dix ans aux tresses brunes relevées en couronne sur la tête. Elle aussi regardait ce drôle d’édi ce ceinturé de remparts, dressé sur un îlot rocheux. « Pourvu que ça ne s’écroule pas ! » pensa-t-elle. — Mon ami, se plaignait sa mère, comment pourrons-nous vivre ici ? Je ne trouverai jamais de couturière pour mes robes ! — Vous demanderez à Annette de s’en occuper, répliqua son mari. Derrière eux, Annette sourit. Femme de chambre depuis quelques années, elle était âgée de vingt et un ans, avait un teint clair, la gure douce et une bouche rieuse. Pour traverser la baie, ils empruntèrent une charrette tirée par des chevaux. Devant eux, un « pique sol » véri ait qu’il n’y avait pas de sables mouvants. — Faites bien attention ! prévint-il. Ces sables bougent constamment. Ce n’est pas pour rien qu’avant, ça s’appelait le « mont Saint-Michel-au-péril-de-la-mer » ! Vous avez l’impression que vous marchez sur de la terre, alors que c’est de l’eau qui circule sous vos pieds. Et si vous passez au moment où l’eau se retire, vous risquez d’être engloutis ! Ne vous aventurez jamais seuls sur la baie ! Eugénie et Annette exploraient le Mont en tous sens. Puis un jour de grande marée, alors qu’elles revenaient du continent en barque, un jeune homme blond Claire Astolfi Par 1872, en Normandie NNETTE 28 / N° 10 N° 10 / 29

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