TheophileForet_BatFlip

se retourna, affolé, et aperçut un énorme sanglier qui fonçait vers lui tête baissée. Malgré la panique qui l’envahissait, il se souvint qu’il ne fallait pas courir tout droit devant un sanglier. Il fit un bond sur le côté et se plaqua derrière un tronc, juste au moment où la bête, lancée à pleine vitesse, arrivait sur lui. Le sanglier furieux, freina des quatre pattes et secoua la tête. Étienne s’élança alors en courant vers l’animal en hurlant comme un fou. – Allez ! Va-t’en ! cria-t-il. L’animal parut surpris une seconde et partit à toute vitesse à travers les fourrés. Étienne courait encore quand il trébucha sur une branche au sol et s’étala de tout son long sur le tapis de feuilles mortes. – Aïe ! Ma cheville ! Il voulut se relever, mais il avait trop mal. Il resta par terre, la tête enfouie dans l’humus odorant. La terre fraîche le rassurait. Il s’endormit peut-être jusqu’à ce qu’une voix le tirât de son hébétude. – Eh ! Petit ! Tout va bien ? Étienne leva péniblement la tête et aperçut le plus étrange bonhomme qu’il eut jamais vu. Il était épais comme un chêne. Il avait les cheveux longs et broussailleux et des vêtements sans âge. D’une main étonnamment forte, il releva Étienne et le hissa sur son dos. L’homme marcha dix minutes et déposa Étienne sur un tapis de mousse, à l’entrée d’une cabane. Une chienne rousse l’accueillit par des jappements joyeux. Sans un mot, l’homme donna au garçon à manger et à boire et appliqua une pâte épaisse sur sa cheville. – Reste ici, lui dit-il enfin. Demain, je te ramènerai chez toi. Qui était cet homme étrange ? Épuisé par ses aventures, Étienne plongea dans un profond sommeil. Lorsqu’il se réveilla, le lendemain, un franc soleil perçait les houppiers2. L’homme était en train de faire cuire un porridge sur le feu et lui tendit une écuelle en bois. – Qui êtes-vous, osa demander Étienne. – Je m’appelle Carlo. – Et vous habitez là ? – Oui, ça fait dix ans. La forêt me donne tout : la nourriture, l’eau, le bois, la musique des oiseaux et l’amitié des bêtes. Que me faut-il de plus ? L’homme avait l’air sympathique. – Tiens, poursuivit Carlo, regarde cette bergeronnette qui vient tous les matins prendre son petit déjeuner avec moi. Un oiseau menu s’approcha en sautillant et picora quelques miettes avant de lancer des trilles vers le ciel en guise de remerciements. Étienne sourit. TIENNE au cœur de la forêt Étienne passait, comme chaque année, ses vacances chez ses grands-parents, en bordure de la forêt de Rochesombre. Un soir, à la veillée, Grand-Père raconta une ancienne légende du pays : – Dans les grands pins, au pied de la montagne noire, vit un oiseau très rare aux plumes fauves et dont le chant ensorcelant attire les hommes au fond des forêts. À vrai dire, peu de gens ont vu cet animal farouche. Il n’apparaît qu’aux hommes les plus courageux. À ces mots, le regard du garçon s’anima. Il se leva et dit : – Moi, je le trouverai ! Et j’en rapporterai une plume ! – Vas-y, mon garçon ! Je suis sûr que tu y arriveras. Dès le lendemainmatin, Étienne fourra dans son sac à dos une gourde, un peu de nourriture et une boussole. Il embrassa ses grands-parents et partit, plein d’espoir et d’ardeur. Le chemin était bien repérable à travers les fougères. Le soleil matinal lançait ses éclats entre les feuilles des arbres, comme mille petits miroirs mouvants. Étienne se sentait libre comme le vent. Il respira à pleins poumons. Une odeur musquée flottait dans les sous-bois. L’odeur de la forêt... Au bout d’une heure de marche, cependant, le chemin s’évanouit dans les taillis1. Étienne était bel et bien perdu. Il réfléchit et se dit : – Je dois aller vers la montagne noire. Orientant sa boussole vers le sommet qui pointait au-delà des cimes des arbres, il mit le cap vers le nord-est et se remit en marche. Le soleil montait dans le ciel et l’air devenait plus étouffant. Autour de lui, les arbres étaient plus serrés, les sous-bois plus sombres. Il entendit une branche craquer. Malgré la chaleur, il frissonna. Un cri soudain le fit sursauter : ouf ! ce n’était qu’un oiseau qui s’envolait lourdement. Au lieu de l’exaltation du matin, il sentit monter la peur. C’est alors que le silence fut transpercé par une galopade tonitruante ! Étienne Un peu de lecture ! © SŒUR KATERI Par Gaëlle Tertrais / N° 1 30 N° 1 / 31

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