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28 JESUS PREFIGURE «L’art, c’est la contemplation […]. C’est la joie de l’intelligence qui voit clair dans l’univers et qui le recrée en l’illuminant de conscience […]. Il n’y a qu’une seule beauté, celle de la vérité qui se révèle. » Ainsi parle Auguste Rodin (1840-1917) quand il se propose, par sa sublime Main de Dieu, de prodiguer « une initiation à la splendeur infinie des choses éternelles ». L’artiste ne donne à voir d’avant la fondation du monde qu’un énorme bloc de marbre à peine dégrossi. C’est l’univers invisible de l’éternité divine : il n’est pas accessible à la vision de l’artiste. D’en montrer quoi que ce soit serait « un mensonge », le fruit de l’imagination et non de la contemplation. Ce bloc éternel engendre de lui-même un espace-temps. Cette excroissance de l’infini, si l’on peut dire, ne change rien à son immutabilité, elle crée hors de l’éternité une matrice où l’embryon d’une réalité finie commence à être façonné. Cette «œuvre en création» est appelée à se développer dans le temps qui passe, jusqu’à ce que, à la fin des temps, elle soit «mise au monde invisible » et naisse à l’éternité. Or ce qui surgit de l’univers invisible pour créer l’univers visible est une main et, qui plus est, une main qui parle. Il s’agit du Verbe de Dieu, le Fils unique engendré. Et que dit-elle, cette main de Dieu ? « Façonnons l’être humain à notre image et à notre ressemblance ! » (Gn 1,26) Voici donc que le Verbe de Dieu se fait main d’artiste pour façonner un homme et une femme, comme un sculpteur modèle l’argile pour en faire un chef-d’œuvre, une image véridique de Dieu en tant que leur vocation est d’être unis par amour en « un seul être ». Mais le plus extraordinaire de la vision de Rodin, nourrie de théologie paulinienne, c’est que pour créer l’être humain homme et femme, le Verbe de Dieu soit bel et bien sorti de l’éternité et soit résolument entré dans le temps (déjà !) pour y devenir le premier-né de toute créature (Col 1,15). Non pas qu’il fût lui-même une créature (on voit bien que la main divine demeure partie du bloc éternel marmoréen), mais parce que tout a été créé en lui et pour lui (cf. Col 1,16-17), et ce afin qu’au terme de la gestation temporelle de l’humanité, par lui, Dieu soit tout en tous (1 Co 15,28). La Main de Dieu Auguste Rodin (1840-1917) Vers 1896-1902 Marbre blanc, 73,7 × 58,4 × 64,1 cm New York, The Metropolitan Museum of Art (Met) LA BIBLE ~ MT 19,4-6 N’avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement, fit un homme et une femme, et qu’il dit : À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront les deux une seule chair. — Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. L’allégorie d’un Dieu artiste qui, avec de l’argile, modèle l’être humain en couple – Adam et Ève – ne s’arrête pas à la matière. Le récit de la Bible insiste sur le sens de l’altérité de l’homme et de la femme, en soulignant leur vocation à l’unité dans l’amour. L’amour suppose un autre qui aime et est aimé. C’est en cela, révèle la Bible, que l’être humain a été créé à l’image de Dieu : « car Dieu est amour » (1 Jn 4,8). «Qui sommesnous ?» En langage mythique et mystique, la Bible répond que l’humanité n’est pas seulement un produit accidentel des hasards de l’évolution. Adam et Ève

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