JesusArtLitterature

8 JESUS DANS L ART ET LA LITTERATURE Ces œuvres font écho à une sensibilité théologique médiévale particulière, dans laquelle les questions de la mort et de la souffrance occupent une place centrale. La Renaissance venue d’Italie transpose dans les scènes religieuses les décors et les canons physiques antiques. La déclinaison de cette beauté profane passionne les artistes, au point peutêtre de dépasser le cadre de la dévotion et de s’abîmer dans la délectation esthétique. En effet, au XVIe siècle, la Réforme protestante pose à nouveau la question des représentations figurées de la personne divine et de leur rôle dans la piété populaire. La dévotion aux images se heurte, une fois encore, aux accusations d’idolâtrie. Une grande méfiance renaît à l’égard des images, particulièrement des représentations divines considérées comme de possibles supports de superstition. L’Église se prononce une nouvelle fois sur ce sujet épineux lors du concile de Trente, convoqué en 1545. Les évêques réunis y affirment que l’on peut retirer grand fruit du légitime usage des images qui peuvent instruire et affermir le peuple dans les articles de foi et être utiles pour des gens sans instruction. Ce rôle didactique de l’image concerne également la représentation du Christ. Il est par conséquent donné toute liberté aux artistes et à leurs commanditaires pour la production d’images, peintes ou sculptées, représentant le Christ, les saints, ainsi que la Vierge dont le culte vient d’être réaffirmé. Cela explique, à partir de la fin du XVIe siècle, la multiplication des représentations du Christ enfant sur les genoux de sa mère : Nativité, Adoration des mages ou des bergers, Sainte Famille, Vierge à l’Enfant, Repos pendant la fuite en Égypte. Les artistes tirent des quatre Évangiles canoniques les épisodes de la vie du Christ, parfois complétés par des récits issus des évangiles apocryphes, qui ont la particularité d’insister sur l’enfance du Christ et irriguent une partie de l’imaginaire chrétien. On leur doit, par exemple, la présence du bœuf et de l’âne qui réchauffent de leur souffle le Christ enfant dans les Nativités. Ces sources iconographiques se mêlent bien sûr à l’inventivité propre de l’artiste et à la volonté du commanditaire. Cette histoire mouvementée se devine à travers les représentations du Christ que des siècles d’histoire de l’art nous ont livrées. Elles sont légion et prennent corps à travers tous les media. Mosaïques, peintures, sculptures, gravures et vitraux, des premiers temps du christianisme jusqu’à aujourd’hui, composent en camaïeu la vision humaine d’un Dieu incarné. Ces images du Christ, qu’il soit puissant, souffrant ou enfant, emportent croyants et non-croyants dans les profondeurs d’une réflexion intime. Elles sont également le témoignage historique de plus de vingt siècles de création artistique adossée au récit biblique. L’Église, principal et puissant commanditaire des artistes, a ainsi assuré la vivacité d’une image christique dont la permanence n’a pas empêché le perpétuel renouvellement. Le rapport boulimique de notre société contemporaine à l’image, qui pourrait parfois fatiguer notre œil ou émousser notre capacité d’admiration, n’ôte, je crois, rien à la puissance de ces images dont le présent ouvrage réunit un admirable florilège. Le Portement de croix Le Greco (1541-1614) Vers 1602 Huile sur toile, 108 × 78 cm Madrid, musée du Prado

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