BENOÎT XVI • 1 Très Saint Père, Quand vous étiez préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, vous m’avez fait la grâce de me recevoir à plusieurs reprises. J’ai été conquis par votre exquise urbanité. Ce qui m’a le plus frappé, ou plutôt le plus touché, c’est la délicate charité intellectuelle dont vous faisiez preuve à mon égard. Et voici que vous êtes devenu le 265e successeur de Pierre sous le nom de Benoît XVI. Élevé au souverain pontif icat, vous n’avez rien perdu de votre affectueuse pudeur. Oui, c’est bien vous, le même homme que j’avais connu, doux et humble, réservé même, qui avez exercé le ministère suprême de serviteur des serviteurs de Dieu. À l ’ instar de Pierre parlant au centurion, votre attitude semblait dire : « Relève-toi, je ne suis qu’un homme moi aussi » (Ac 10, 26). C’est que, pour vous, la vraie charité consiste essentiellement à conduire ceux qu’on aime au Père, par le Christ Jésus, notre frère en humanité, notre Dieu et notre Sauveur. Mais vous n’ignoriez rien des difficultés de votre nouvelle charge : votre homélie au conclave, pour la messe pro eligendo romano pontifice donnait le programme difficulteux du pontificat à venir : « La miséricorde du Christ n'est pas une grâce à bon marché, elle ne suppose pas la banalisation du mal », disiez-vous dès l ’ouverture. Vous êtes resté le même, en tout, mais avec une largeur, une hauteur, une densité et une profondeur, qui ne sont données qu’à ceux à qui le Seigneur a dit : « Quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture, et tu allais où tu voulais. À partir de maintenant, tu étendras les mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas aller » (Jn 21, 18). Pour votre premier Noël en tant que pape (2005), vous publiez Deus caritas est, « Dieu est amour ». Votre dessein est limpide : désigner la voie spirituelle qui surpasse toutes les autres (1 Co 12, 31) : « Dans ma première encyclique, je désire parler de l’amour dont Dieu nous comble et que nous devons communiquer aux autres. » Votre ouvrage est un chef-d’œuvre qui rencontre un immense succès et touche le cœur. P R É F A C E PAR PIERRE-MARIE VARENNES, Directeur de la rédaction de Magnif icat
Le pape Benoît XVI signe sa troisième et dernière encyclique, Caritatis in veritate (L’amour dans la vérité), le 29 juin 2009. Rendue publique le 7 juillet, sa publication a été retardée pour tenir compte de la crise financière et économique de 2008. © Akg 2 • BENOÎT XVI
BENOÎT XVI • 3 L’amour authentique ne peut se vivre que dans la vérité, c’est la moindre des choses dans l ’Église du Christ. N’avez-vous pas répété à plusieurs reprises que : « La plus grande persécution de l'Église ne vient pas d'ennemis extérieurs mais naît du péché de l'Église » ? Les mesures que vous avez prises pour mettre fin aux scandales financiers et aux abus sexuels ont révélé votre détermination et votre courage. Mais à quatre-vingt-cinq ans révolus, vous avez la conscience claire que la difficulté de votre tâche a augmenté dans les mêmes proportions que vos forces pour y faire face ont diminué. Par amour pour l ’Église dont les épreuves réclament un pape en pleine possession de ses moyens, vous prenez la décision de renoncer à votre ministère. Après l ’élection de votre successeur, le pape François, vous vous retirez au monastère Mater Ecclesiae, situé dans les jardins du Vatican. Pour de longues années encore, Dieu va vous y prêter vie. Vous allez pouvoir vous consacrer de nouveau à l ’étude, à la méditation et à la prière, intercédant sans cesse pour l ’Église que vous avez tant aimée. Aujourd’hui, Très Saint Père, vous avez été accueilli dans le sein du Père : maintenant nous pouvons vous dire, sans gêner votre modestie, que nous vous avons aimé, comme théologien, comme « second » du pape Jean-Paul II, comme pape et comme homme. Vous voici en compagnie de Celui que vous avez consacré votre vie à aimer en chacun de ses frères et sœurs. Puissiez-vous par l ’intercession de la Mater Ecclesiae, lui demander à l ’oreille du cœur qu’il se souvienne qu’il est la Tête de son Église, lui qui a promis : Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’ à la fin du monde. P R É F A C E PAR PIERRE-MARIE VARENNES, Directeur de la rédaction de Magnif icat
1 J. RATZINGER, Ma vie : souvenirs, 1927-1977, Fayard, Paris, 2013, p. 144. Benoît XVI, l’homme « Depuis longtemps, je marche, mes valises à la main, dans les rues de la Ville Éternelle. J’ignore quand on me donnera congé, mais je sais que ces paroles valent pour moi aussi : je suis devenu ta bête de somme; et c’est justement ce que je suis auprès de toi1. » 4 • BENOÎT XVI © Alamy
En 2010, à l’occasion de l’année sainte compostellane, Benoît XVI se rend en Galice. Dans la cathédrale Saint-Jacques, il rappelle que l’Europe reste fidèle à son histoire lorsqu’elle s’ouvre à la transcendance. BENOÎT XVI • 5
6 • BENOÎT XVI © 2011 by Michael Hesemann
B E N O Î T X V I L’homme BENOÎT XVI • 7 Jeunesse Tendres joies, passions et grandes douleurs Joseph Ratzinger vit une jeunesse heureuse dans une famille affectueuse et unie. Il aime Dieu, les études, la musique et sa Bavière. Mais, autour de lui, le pays assiste à la montée du nazisme. Son père, gendarme, est aux premières loges. Bientôt, l’Allemagne s’enfonce dans la guerre. La famille Ratzinger fête le 80e anniversaire de Katharina, l’aïeule paternelle. Dans la ferme bavaroise de Rickering, Joseph, au premier rang, à droite, est âgé de quatre ans. Son frère Georg, en blanc à gauche, de sept. Sa sœur Maria, neuf ans, est debout en robe claire à côté du révérend Georg Ratzinger, la célébrité de la famille. Ses parents sont debout à droite.
Prêtre et théologien Après-guerre, la vocation de Joseph se confirme. C’est le cardinal Faulhaber, résistant au nazisme, qui ordonne prêtre le jeune homme. Mais bientôt, une carrière d’enseignant et de chercheur se dessine. Joseph Ratzinger devient un théologien majeur de l’Église catholique. B E NO Î T X V I L’homme 20 • BENOÎT XVI En 1960, Joseph dans une bibliothèque de Bonn où il enseigne désormais.
BENOÎT XVI • 21 © Akg
Les deux heureuses années de philosophie à Freising achevées, Joseph, passionné par la recherche, demande à intégrer la faculté de théologie de Munich. L’université étant en ruines, les étudiants sont installés dans l’ancienne résidence de chasse des rois de Bavière. Le confort est rudimentaire, la nourriture, frugale. Les cours sont dispensés dans la serre du château. L’hiver, on y gèle ; l’été on suffoque. Deux figures de professeurs le marquent particulièrement. Gottlieb Söhngen est pianiste comme lui. Il possède surtout la passion de la Vérité et la manière dynamique héritée de saint Thomas d’Aquin de s’ interroger sans cesse sur le sens de la réalité. Sa méthode pour répondre à la question actuelle de la Vérité est faite d’un examen attentif des Pères de l ’Église et de théologiens plus récents. Elle enthousiasme le nouvel étudiant. Quant à Friedrich Wilhelm Maier, il est professeur d’exégèse du Nouveau Testament et un des précurseurs de la méthode historico-critique20 appliquée aux évangiles. La question de sa vocation se pose à Ratzinger de manière éprouvante alors que s’approche le moment de la décision irrévocable. Il ne veut pas choisir le sacerdoce en raison de son seul amour de l ’étude théologique. S’il devient prêtre, il veut adhérer de tout son cœur à l’ensemble du ministère, avec toutes ses exigences. Or, il se trouve timide, peu sportif, dépourvu de sens pratique… Réussira-t-il à inspirer l ’amour du Christ à la jeunesse ? Saura-t-il s’y prendre avec les vieillards et les malades ? Une vive amitié avec une belle étudiante dont il taira toujours discrètement le nom bouleverse son cœur ; 22 • BENOÎT XVI UN GRAND OUI, AU SACERDOCE Lorsque Joseph intègre la faculté de théologie de Munich, la ville est encore défigurée par les stigmates de la guerre. B E N O Î T X V I L’homme © Leemage
BENOÎT XVI • 23 est-il réellement appelé au célibat ? Dans les sentiers du grand parc qu’il arpente pendant de longues heures, il prononce intérieurement son oui, dont il ne doutera plus jamais21. À l ’été 1950, Gottlieb Söhngen encourage Joseph, qui vient d’obtenir son examen final, à présenter un concours qui, s’il est obtenu avec un prix, ouvre la porte au doctorat. Le sujet est le suivant : « Peuple et Maison de Dieu dans la doctrine augustinienne de l ’Église. » Ratzinger relève le défi et le réussit. 20 Méthode d’étude scientifique appliquée au texte biblique. Consiste en l’étude des langues, des couches rédactionnelles du texte. 21 J. RATZINGER, Le Sel de la terre. Entretiens avec Peter Seewald, op. cit., pp. 55-56. Une cathédrale dévastée mais un prélat intrépide. L’archevêque de Munich, le cardinal Faulhaber (1869-1952) est à l’origine de l’encyclique condamnant le culte de la race (1937). En 1940, il s’oppose à l’assassinat des personnes handicapées. © Leemage © Akg
64 • BENOÎT XVI B E N O Î T X V I L’homme le Christ, renonçant étapes après étapes à ses projets personnels ou aux ministères qui lui avaient été conf iés, pour avancer sur le chemin que la Providence semblait tracer devant lui. Il ne s’était jamais senti le propriétaire de la vigne du Seigneur, mais bien l ’ intendant, le tablier du service ceint autour des reins, espérant le retour du Maître. Toujours, il avait été conscient, et même parfois préoccupé, des limites de sa santé. Il se retirait désormais pour qu’un autre puisse accomplir ce pour quoi il n’avait plus les forces nécessaires. Mais af in de manifester que sa vie était une fois pour toutes consacrée au service de l ’Église dans l ’enclos de Pierre, il demeurait entre les murs du Vatican, dans un petit monastère souhaité par Jean-Paul II, Mater Ecclesiae, providentiellement disponible. Le vœu de celui qui se regardait comme la bête de somme de son Seigneur était désormais de « servir de tout son cœur la Sainte Église de Dieu par une vie consacrée à la prière75 ». Était venu pour lui le temps de vivre dans la solitude la mission du Christ venu porter nos péchés par ses souffrances76. Il n’est pas certain que le grand pape Benoît XVI aurait aimé que l ’on fasse son éloge. Il est sûr en revanche qu’ i l aurait désiré plus que tout qu’ à travers lui, « l ’humble serviteur dans la vigne du Seigneur », nous puissions dire quelque chose du Chr ist ; qu’en regardant son visage et sa vie, nous puissions apercevoir quelques traits de Celui qui n’a cessé de l ’appeler, depuis un matin de Samedi saint sous la neige jusqu’à son dernier soir. Aussi, comme enfants de l ’Église, sommes-nous heureux de lui rendre hommage, contemplant à travers lui l ’œuvre éblouissante de la grâce divine rencontrant sa créature et la transformant à jamais. Merci, Très Saint-Père, pour le don de votre vie à l ’Église de Dieu. 74 Ibid., p. 565. 75 Ibid., p. 568. 76 Ceci est tiré d’une lettre écrite le 30 mai 2018 au père Luc Garnier. SERVIR TOUJOURS « Chers frères et sœurs… J ’ai décidé de renoncer au ministère que Dieu m’avait confié le 19 avril 2005. Je l ’ai fait en pleine liberté pour le bien de l ’Église… La certitude que l ’Église est du Christ me soutient et m’éclaire. Celui-ci ne cessera jamais de la guider et d’en prendre soin74. » Benoît XVI ne désertait pas la barque par crainte ou par faiblesse. Toute sa vie, il avait exercé sa liberté et choisi de suivre «Aimer l’Église c’est aussi faire des choix difficiles», explique Benoît XVI lors de sa dernière apparition publique devant cent mille personnes réunies place Saint-Pierre, le 27 février 2013. © Akg
BENOÎT XVI • 65 Le 17 février 2013, lors du dernier Angélus dominical, les visages sont graves. Cinquante mille fidèles saluent un grand serviteur de l’Église qui, pendant huit ans, a guidé la barque de Pierre dans des « eaux agitées ». Désormais, il se retire pour prier et travailler au monastère Mater Ecclesiae, en haut, à droite. © Akg © Akg © Leemage
Penser avec Benoît XVI L’œuvre théologique de Ratzinger-Benoît XVI est foisonnante. Les lignes qui suivent se présentent donc comme une esquisse offrant des pistes de réflexion sur certains grands aspects de sa pensée. Celle-ci repose sur trois piliers dont le Christ est le centre : la révélation divine, le Christ, l’Église. À leur lumière, s’éclairent cinq thèmes chers à Benoît XVI : la Vierge Marie, figure de l’Église ; l’eucharistie et la charité ; les rapports entre la foi et la raison ; l’Europe ; et la théologie des fins dernières. La pensée de Joseph Ratzinger-Benoît XVI est toujours fine, souvent subtile, mais cela ne saurait dissuader de partir à sa découverte : « C’est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau, c’est ce qui est le plus long qui est le plus intéressant, et c’est ce que vous ne trouverez pas amusant qui est le plus drôle » (Paul Claudel, Le Soulier de satin77). 77 Ratzinger a découvert le Soulier de satin grâce à la traduction qu’en fit Balthasar. Il le cite à plusieurs reprises, notamment dans la première partie de Foi Chrétienne hier et aujourd’hui. 66 • BENOÎT XVI
BENOÎT XVI • 67 BENOÎT XVI • 67 Dès ses premières interventions, Benoît XVI donne un axe clair à son pontificat. Il veut remettre le Christ au centre de la foi et de la vie des chrétiens. Ici, en 2006, à Castel Gandolfo, pendant le discours qui précède l'Angélus. © Akg
La Révélation divine Est-ce parce que la première rencontre avec Dieu du jeune Joseph Ratzinger est vécue dans la liturgie que toute sa théologie semble d’abord découler d’une contemplation de Dieu ? On sait qu’il reçut tout petit un missel, et que celui-ci fit ses délices, l ’emportant dans un monde dont il pressentait la beauté et le mystère. Et il suffit de se plonger dans ses œuvres pour observer ce qu’on pourrait appeler le « primat de Dieu » de sa théologie : tout commence parce que Dieu parle. La Révélation trouve sa source en Dieu qui choisit gratuitement de s’adresser aux hommes qu’il crée et qu’il sauve par son Verbe incarné, crucifié et ressuscité. « La nouveauté de la Révélation biblique vient du fait que Dieu se fait connaître dans le dialogue qu’il désire instaurer avec nous78. » La thèse du futur Benoît XVI sur Bonaventure portait précisément sur le concept de Révélation. Elle allait certainement permettre au jeune théologien d’apporter une contribution originale et décisive au texte préparatoire sur la Révélation divine pour la constitution dogmatique de Vatican II. À l ’été 1962, le cardinal Frings demande à Ratzinger d’étudier le premier schéma79 sur les sources de la Révélation, appelé De Fontibus, et d’en faire un rapport. Ratzinger se montre très critique. L’enjeu théologique est le suivant : quand la Révélation survient-elle ? Derrière une tel le question se trouve la problémat ique luthér ienne du Sola scriptura (« par l ’Écriture seule »). La Révélation divine s’ identifie-t-elle strictement à l’Écriture ? Dans ce cas, on ne peut rien enseigner qui ne se trouve strictement dans l ’Écriture. Pourrait-on dire au contraire que la Révélation englobe la Tradition? Ou bien serait-elle contenue en partie dans l’Écriture et en partie dans la Tradition ? Ratzinger avait dégagé chez Bonaventure l ’idée que la Révélation ne désignait jamais de manière stricte l’Écriture, mais qu’elle était plutôt comprise au pluriel, comme les actes de révélations par lesquels Dieu se dévoile dans l ’histoire à qui la reçoit : « La Révélation précède l’Écriture et se dépose en elle sans s’identifier à elle tout à fait. La Révélation dépasse toujours ce qui est purement écrit80. » Elle est « Dieu qui vient à la rencontre de l’homme ». Et ceci « dépasse toujours ce que peuvent dire les mots humains, dépasse aussi les Paroles de l ’Écriture. […] L’Écriture est le témoignage essentiel de la Révélation, mais la Révélation est quelque chose de Vivant, de plus grand, et plus encore, elle est interpellation et écoute. […] La Révélation a des outils, mais elle n’est pas séparable du Dieu vivant et elle exige toujours des hommes vivants chez qui elle est reçue. Son but est toujours de rassembler les hommes, de les réunir, c’est pourquoi l’Église lui appartient81. » PRIMAT DE DIEU: AU COMMENCEMENT, DIEU PARLE LA RÉVÉLATION DIVINE À VATICAN II, LES RAPPORTS ENTRE ÉCRITURE ET TRADITION 78 BENOÎT XVI, Exhortation apostolique Verbum Domini sur la Parole de Dieu n°6, Collège des Bernardins, Lethielleux/Parole et Silence, Paris, p. 49. 79 C’est-à-dire le travail préparatoire fourni aux évêques pour servir de base à leur réflexion et à leurs échanges. 80 J. RATZINGER, Ma vie : souvenirs, 1927-1977, op. cit., p. 88. 81 Ibid., p. 109. 1 68 • BENOÎT XVI P E N S E R avec Benoî t XVI
Ainsi, il n’y a pas plusieurs sources de la Révélation, mais bien une seule qui est Dieu. Dieu parle à travers des hommes qui, sous l ’action du Saint-Esprit, consignent ses paroles par écrit ; et cette parole divine est portée par la Tradition vivante impliquant les hommes qui reçoivent cette Parole, lui répondent et ne cessent de progresser, par le même Saint-Esprit, dans la contemplation des réalités révélées. On reconnaît bien, dans le schéma définitif de Dei Verbum, la contribution du jeune expert allemand82. Devenu le pape Benoît XVI, Ratzinger donnera à l ’Église le splendide Verbum Domini, exhortation apostolique sur la Parole de Dieu et grande méditation sur la constitution dogmatique de Vatican II. Le pape bavarois est musicien. Durant la période de Traunstein qu’il considérera comme la plus belle de sa vie, il pouvait se rendre avec Georg à Salzbourg où les billets de concert, à la veille de la guerre, étaient vendus à des prix plus abordables. Il eut ainsi l ’occasion d’aller écouter la neuvième Symphonie de Beethoven, et se prit d’amour pour Mozart. Plus tard, devenu pape, lorsqu’il contemple l ’œuvre de Dieu dans la Révélation, il aime déployer l ’idée d’une « symphonie de la Parole, d’une Parole unique qui s’exprime de différentes manières83 », dont le Christ serait le soliste. Dieu ayant créé le monde par sa Parole, le livre de la nature raconte depuis les origines qui il est. La beauté du monde est ainsi le premier lieu où sa Parole se laisse déchiffrer. « Les affirmations de l ’Écriture indiquent que tout ce qui existe n’est pas le fruit d’un hasard irrationnel mais est voulu par Dieu, fait partie de son dessein, au sommet duquel il nous est offert de participer, dans le Christ, à la vie divine. La création naît du Logos et porte de manière indélébile la marque de la Raison créatrice qui ordonne et guide. Les psaumes chantent cette joyeuse certitude : “Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l ’univers par le souffle de sa bouche” (Ps 33, 6) ; et encore “Il parla, et ce qu’il dit exista ; il commanda, VERBUM DOMINI, LA SYMPHONIE DE LA PAROLE 82 Il a plu à Dieu dans sa bonté et sa sagesse de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté (cf. Ep 1, 9) grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit saint auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine (cf. Ep 2, 18 ; 2 P 1, 4) (DV 1). La sainte Tradition et l’Écriture sainte sont donc reliées et communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux, jaillissant de la même source divine, ne forment pour ainsi dire qu’un tout et tendent à une même fin (DV 9). 83 Verbum Domini, n°7. La beauté du monde est le premier lieu où la Parole de Dieu se laisse déchiffrer. Depuis Les Combes, un chalet dans le val d’Aoste, un panorama unique de sommets alpins s'offre au regard du pape. Ici, en juillet 2005. BENOÎT XVI • 69 © Akg
102 • BENOÎT XVI P E N S E R avec Benoî t XVI Lorsque Ratzinger parle de l ’au-delà, le Christ est au centre de sa pensée. L’élément déterminant pour comprendre l ’Éternité est pour lui le mystère de l ’Ascension. Avec le Christ, un homme avec son corps est entré dans le Ciel, c’est-à-dire dans l ’être de Dieu. En Dieu, il y a désormais de la place pour l ’homme. « Dans le Christ, l ’homme, l ’être humain auquel nous avons tous part, est entré dans l ’intimité de Dieu d’une manière inédite et nouvelle. Cela signif ie que l ’homme peut trouver un espace en Dieu pour toujours170. » Les textes d’ascension du Nouveau Testament ne décrivent pas le Ciel comme un lieu géographique au-dessus des étoiles. Celui-ci est « bien plus audacieux, bien plus grand : c’est l ’homme qui prend place en Dieu sur le fondement de l ’interpénétration de l ’humanité et de la divinité dans l ’homme Jésus171». En Jésus, Dieu s’ouvre à l ’homme et l ’homme s’ouvre à Dieu. En ce sens, le Christ est lui-même le Ciel, puisqu’il offre à l’homme la possibilité d’entrer en communion avec le Dieu Éternel. Voilà ce qu’est le Ciel : dans le Christ, être totalement uni à Dieu, sans plus de séparation. « Le Christ, l ’homme qui est en Dieu, qui est éternellement Un avec Dieu, est en même temps l ’ouverture perpétuelle de Dieu pour l ’homme. Il est lui-même ce que nous appelons “Ciel”, car le Ciel n’est pas un espace mais une personne ; la personne de celui en qui Dieu et l ’homme sont Un pour toujours, sans séparation172. » Nous percevons alors ce qu’est fondamentalement le Ciel : communier à Dieu dans le Corps du Christ, et donc être véritablement unis à tous les membres de ce Corps. Le dialogue éternel de l ’homme avec Dieu n’est pas un dialogue d’un seul « je » avec le « Tu » divin. Dans le « Tu » divin, l ’homme trouve tous les hommes que Dieu aime, crée et rachète. « Au royaume du Fils de son amour, il n’y a pas, d’après une parole de saint Jean Chrysostome, “les mots de glace, mon et ton”. Puisque l ’amour de Dieu nous est commun, nous appartenons les uns aux autres. Où Dieu est tout en tous, nous sommes tous en tous […], nous sommes en un seul corps, le Corps du Christ173. » Le mystère d’unité et de charité vécu dans l ’eucharistie se réalise dans le Ciel. L’amour humain uni à celui de Dieu atteint alors sa pleine dimension, éros et agapè enfin pleinement réconciliés174. L’enfant Benoît XVI était ému devant les vitrines de Noël illuminées qui lui semblaient une promesse. Il expérimenta la chaleur tendre d’une famille qui s’aime, la grande allégresse de l ’amitié, l ’émotion de la beauté. Derrière les élégantes façades bavaroises qui l ’enchantaient, il devinait la pauvreté et la souffrance. Il connut la laideur de la guerre qui défigurait les paysages radieux de sa Bavière et laissait les villes qu’il aimait en champ de ruines. Devenir professeur à Bonn fut pour lui « la fête d’un premier amour » mais, rapidement, il connut diff icultés et CONCLUSION : « À LA MAISON» « LE CORPS DU CHRIST EST LE NOUVEAU CIEL, DÉSORMAIS OUVERT 169»
BENOÎT XVI • 103 contradictions. L’expérience du bonheur fut, toute sa vie, traversée d’échecs et de douleurs. Et se levait en lui l ’espérance d’une vie qui ne soit que pure joie. « Dans le fond, nous voulons une seule chose : “la vie bienheureuse”, la vie qui est simplement vie, simplement bonheur. En fin de compte, nous ne demandons rien d’autre dans la prière. Nous ne marchons vers rien d’autre. […] Nous ne connaissons pas cette “vraie vie” ; et cependant, nous savons qu’il doit exister un quelque chose que nous ne connaissons pas et vers lequel nous nous sentons poussés175. » L’éternité est pour le pape l ’intensité d’un bonheur qui ne s’échappe plus, qui n’est plus traversé d’aucune peine. Et la bête de somme du Seigneur, les valises toujours à la main, garde en elle la nostalgie de sa maison de Traunstein, image de la Maison du Père, Patrie vers laquelle, au fond, elle n’a cessé de marcher. « Je me réjouis de revoir mes parents, mon frère et ma sœur, mes amis et d’imaginer que tout sera de nouveau aussi beau que chez nous, à la maison176. » 169 J. RATZINGER, Dieu nous est proche. L’Eucharistie au cœur de l’Église, Parole et Silence, Paris, 2003, p. 160. 170 J. RATZINGER, Dogme et Annonce, Parole et Silence, Paris, 2012, p. 329. 171 Idem. 172 J. Ratzinger, Dogme et Annonce, Paris, Parole et Silence, 2012, op. cit., p. 329. 173 J. RATZINGER, Dieu nous est proche. L’Eucharistie au cœur de l’Église, Paris, op. cit., p. 153. 174 Cf. p. 13. 175 BENOÎT XVI, Spe Salvi, n°11. 176 BENOÎT XVI, P. SEEWALD, Dernières conversations avec Peter Seewald, Fayard, Paris, 2016. Après son abdication, Benoît XVI se retire à Castel Gandolfo, résidence d’été des papes. C’est là que François vient lui rendre visite le 23 mars 2013, le jour de son élection. Les deux hommes échangent des informations, partagent un temps de prière puis un déjeuner. © Akg
P R I E R avec Benoî t XVI 104 • BENOÎT XVI Prier avec Benoît XVI 104 • BENOÎT XVI Je prie toujours en premier Notre Seigneur, avec lequel je me sens lié pour ainsi dire par une vieille connaissance. Mais j’invoque aussi les saints. Je suis lié d’amitié avec Augustin, avec Bonaventure, avec Thomas d’Aquin. On dit aussi à de tels saints : Aidez-moi ! Et la Mère de Dieu est toujours de toute façon un point de référence. En ce sens, je pénètre dans la communauté des saints. Avec eux, renforcé par eux, je parle ainsi avec le Bon Dieu, en mendiant d’abord, mais aussi en remerciant, ou tout simplement rempli de joie177. 177 BENOÎT XVI, Lumière du monde. Le pape, l’Église et les signes des temps. Un entretien avec Peter Seewald, op. cit., pp. 35-36.
BENOÎT XVI • 105 BENOÎT XVI • 105 © Sipa Press Benoît XVI préside les vêpres, le 19 septembre 2008, en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Derrière lui, adossée au pilier sud-est du transept, la statue de la Vierge à l’enfant (XIVe siècle) retrouvée intacte après l’incendie du 15 avril 2019.
P R I E R avec Benoî t XVI 106 • BENOÎT XVI © Bridgeman Images Le Retour du fils prodigue (v. 1668-1669), Rembrandt (1606-1669), musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg, Russie.
BENOÎT XVI • 107 Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Et ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du Mal. Amen On ne peut comprendre l ’homme qu’à partir de Dieu, et c’est seulement s’il vit en relation avec Dieu que sa vie devient juste. Mais Dieu n’est pas un inconnu lointain. En Jésus, il nous montre sa face. Dans son agir et dans sa volonté, nous apprenons à lire les pensées de Dieu et la volonté de Dieu lui-même. Si être homme signif ie essentiel lement être en relation avec Dieu, il est évident que cela implique le dialogue avec Dieu et l ’écoute de Dieu. C’est la raison pour laquelle le Sermon sur la montagne contient également un enseignement sur la prière. Le Seigneur nous dit comment nous devons prier. […] Dans le Notre Père est aff irmé d’abord le primat de Dieu, dont découle naturellement la question de la juste façon d’être homme. Ici, il s’agit également d’abord du chemin de l ’amour, qui est en même temps le chemin de la conversion. Afin qu’il puisse demander de la bonne façon, l ’homme doit se tenir dans la vérité. Et la vérité, c’est d’abord Dieu, le Royaume de Dieu (cf. Mt 6, 33). Avant tout, nous devons sortir de nousmêmes et nous ouvrir à Dieu. Rien ne sera à sa place tant que nous ne serons pas à notre juste place par rapport à Dieu. Le Notre Père commence donc avec Dieu et il nous conduit, à partir de lui, sur les voies de « l ’être homme ». JÉSUS DE NAZARETH. DU BAPTÊME DANS LE JOURDAIN À LA TRANSFIGURATION, Benoît XVI, coll. « Champs - Essais », Flammarion, 2017, 432 p., 9 ¤. À LIRE Notre Père P R I E R avec Benoî t XVI
© Bridgeman Images Le Bon Berger (v. 1650-1660), Philippe de Champaigne (1602-1674), musée des Beaux-Arts, Tours, France.
BENOÎT XVI • 109 Tu es mon berger, je ne manque de rien Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. * Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; * il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, *car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; * tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie ; * j'habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. Dieu guide le Psalmiste vers les « prés d'herbe fraîche » et les « eaux du repos », où tout est surabondant, tout est donné de façon copieuse. Si le Seigneur est le pasteur, même dans le désert, lieu d’absence et de mort, la certitude d’une présence radicale de vie ne fait pas défaut, au point de pouvoir dire : « Rien ne me manque. » Le pasteur, en effet, se soucie du bien de son troupeau, il adapte ses propres rythmes et ses propres exigences à celles de ses brebis, il marche et il vit avec elles, en les guidant sur des sentiers « justes », c’est-à-dire adaptés à elles, attentif à leurs besoins et non aux siens. La sécurité de son troupeau est sa priorité et c’est à elle qu’ il obéit quand il le conduit. Nous aussi, […] si nous marchons derrière le « bon Pasteur », aussi difficiles, tortueux ou longs que puissent apparaître les parcours de notre vie, souvent aussi dans des zones désertiques spirituellement, sans eau et sous le soleil d’un rationalisme cuisant, sous la conduite du bon pasteur, le Christ, nous sommes certains d’aller sur les routes « justes », certains que le Seigneur nous guide et qu’ il est toujours proche de nous et qu’ il ne nous manquera rien. C’est pourquoi le Psalmiste peut déclarer une tranquillité et une sécurité sans incertitudes ni craintes : Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, * car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. Qui passe avec le Seigneur dans le ravin des ténèbres de la souffrance, de l’incertitude et de tous les problèmes humains, se sent en sécurité. Tu es avec moi : telle est notre certitude, celle qui nous soutient178. 178 BENOÎT XVI, Catéchèse sur le psaume 22, 5 octobre 2011. Prier le psaume 22 P R I E R avec Benoî t XVI Méditation
P R I E R avec Benoî t XVI 124 • BENOÎT XVI Prières du soir © Akg-images Le Chemin d’Emmaüs, Fritz von Uhde (1848–1911), Galerie Neue Meister, Dresde, Allemagne. Ce soir, Seigneur, nous désirons répéter avec foi : en Toi Seigneur, je place avec joie mon Espérance. Fais que je T’aime comme ta Sainte Mère afin qu’à mon âme, au terme du chemin, soit accordée la Gloire du Paradis. Ainsi soit-il190.
BENOÎT XVI • 125 Mère, enseigne-nous l’amour vrai et inépuisable : Sainte Marie, Mère de Dieu, tu as donné au monde la vraie lumière, Jésus, ton fils – Fils de Dieu. Tu t’es abandonnée complètement à l’appel de Dieu et tu es devenue ainsi la source de la bonté qui jaillit de Lui. Montre-nous Jésus. Guide-nous vers Lui. Enseigne-nous à Le connaître et à L’aimer, afin que nous puissions, nous aussi, devenir capables d’un amour vrai et être sources d’eau vive au milieu d’un monde assoiffé191. Reste avec nous, Seigneur, accompagne-nous, même si nous n’avons pas toujours su Te reconnaître. Reste avec nous, parce qu’autour de nous les ombres s’épaississent, et Tu es la Lumière ; dans nos cœurs s’ insinue le découragement, et Tu les fais brûler à travers la certitude de la Pâque. Nous sommes las de la route, mais Tu nous réconfortes par la fraction du pain pour annoncer à nos frères que, en vérité, Tu es ressuscité et que Tu nous as conf ié la mission d ’être des témoins de ta Résurrection. Reste avec nous, Seigneur, lorsque, autour de notre foi catholique, s’élèvent les brumes du doute, de la fatigue ou des diff icultés. Toi qui es la Vérité même, en tant que Révélateur du Père, éclaire nos esprits avec ta Parole ; aide-nous à sentir la beauté de croire en Toi. Reste dans nos familles, éclaire-les dans leurs doutes, soutiensles dans leurs diff icultés, réconforte-les dans leurs souffrances et dans la fatigue de chaque jour, lorsque, autour d’elles, s’accumulent des ombres qui menacent leur unité et leur identité naturelle. Toi qui es la Vie, reste dans nos foyers, af in qu’ ils continuent à être des nids, où la vie humaine naisse généreusement, où l ’on accueille, l ’on aime et l ’on respecte la vie de sa conception à sa f in naturelle. Reste, Seigneur, avec ceux qui dans nos sociétés sont les plus vulnérables ; reste avec les pauvres et les humbles. Reste, Seigneur, avec nos enfants et avec nos jeunes, protège-les des nombreux pièges qui menacent leur innocence et leurs espérances. Ô Bon Pasteur, reste avec nos personnes âgées et avec nos malades. Fortif ie-les tous dans la Foi af in qu’ ils soient Tes disciples et missionnaires. Ainsi soit-il192. 190 BENOÎT XVI, Concert pour les sept ans de son pontificat, 11 mai 2012. 191 BENOÎT XVI, Lettre encyclique Deus caritas est, n°42, 25 décembre 2005. 192 BENOÎT XVI, 13 mai 2007. « Reste avec nous, Seigneur »
Benoît XVI : On va quitter ce monde et se retrouver devant Lui, et devant les saints, devant les amis et ceux qui ne sont pas des amis. Je cherche à m’y préparer et surtout à me tenir présent. L’essentiel n’est pas que je me le représente, mais que je vive dans la conscience que toute la vie est l’approche d’une rencontre193. 193 BENOÎT XVI, P. SEEWALD, Dernières conversations avec Peter Seewald, op. cit. « Toute la vie est l’approche d’une rencontre » P R I E R avec Benoî t XVI 126 • BENOÎT XVI © Akg
BENOÎT XVI • 127 PRÉFACE 1 PREMIÈRE PARTIE BENOÎT XVI, L’HOMME 4 Jeunesse - Tendres joies, passions et grandes douleurs 6 Prêtre et théologien 20 Serviteur - De Munich à Rome 36 Pape - Un doyen sur le siège de Pierre 48 DEUXIÈME PARTIE PENSER AVEC BENOÎT XVI 66 La Révélation divine 68 Le Christ, plénitude de la Révélation 74 L’Église 80 Marie 86 Eucharistie et charité 88 Foi et Raison 90 L’Europe 96 Eschatologie : les fins dernières 100 TROISIÈME PARTIE PRIER AVEC BENOÎT XVI 104 Notre Père 106 Le psaume 22 108 Le psaume 138 110 Le psaume 125 112 Le psaume 21 116 Contempler le Christ 118 Prières aux heures difficiles 120 Intercession pour toute l’Église 122 Prières du soir 124
02 99 55 10 20 contact@magnificat.fr www.magnificat.fr/benoitXVI Recevez gratuitement les 3 prochain numéros ! Avec Magnificat, vivez la prière de l’Église au quotidien. Prenez du temps pour Dieu
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